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Faire parler les serrures : l’expertise en intrusion furtive ou la serrurerie forensique

L’intrusion furtive réside dans l’ouverture puis la fermeture d’un local verrouillé, en l’absence de clé. L’effraction est réalisée à l’aide d’un ou de plusieurs instrument(s) spécifique(s), et ne dégradera pas forcément la serrure. Seule une expertise spécialisée peut déterminer si l’ouverture a réellement été commise et de quelle manière. L’expert devra connaître parfaitement le fonctionnement des différentes familles de serrures, maîtriser l’ensemble des méthodes d’effraction possibles, destructives ou non, et les principes physiques et mécaniques qui entrent en jeu.

Domaine assez méconnu, l’intrusion furtive qui réside dans l’ouverture puis la fermeture en l’absence de clé d’un local verrouillé, est néanmoins définie par le législateur.

Le code pénal rappelle, en effet, en son article 311-5 alinéa 3 relatif au vol aggravé, que l’une de ces circonstances est établie : « 3° Lorsqu’il est commis dans un local … …en pénétrant dans les lieux par ruse, effraction ou escalade. »

analyse de traces sur la serrure en police scientifique

« L’effraction » est quant à elle définie à l’article 132-73 du code pénal 1 : « L’effraction consiste dans le forcement, la dégradation ou la destruction de tout dispositif de fermeture ou de toute espèce de clôture. Est assimilé à l’effraction l’usage de fausses clefs, de clefs indûment obtenues ou de tout instrument pouvant être frauduleusement employé pour actionner un dispositif de fermeture sans le forcer ni le dégrader. »

Ainsi, le législateur :

  •  Prend en compte la possibilité qu’un dispositif de fermeture verrouillé, puisse être ouvert sans sa clé légitime, et sans dégradation.
  • Considère ce mode opératoire comme une circonstance aggravante
  • Assimile ce mode opératoire à l’effraction « classique » (avec casse)

Que ce soit dans le cadre de l’application de la loi pénale ou au regard des assurances (pour lesquelles le vol « sans effraction » est souvent une clause classique d’exonération de garantie), il est important de pouvoir se prononcer sur la réalité de cette effraction.

Mais comment la déterminer ?

L’effraction réalisée à l’aide d’un (ou plusieurs) instrument(s) spécifique(s) ne dégradera pas forcément la serrure. Cette ouverture, par essence non destructive, reste néanmoins frauduleuse et donc punissable au regard de la législation. Mais comment savoir si l’ouverture a réellement été commise et de quelle manière ? Seule une expertise spécialisée peut apporter les réponses à ces questions.

Par ailleurs, qu’en est-il de la réalité de ces pratiques ?

Marotte des films d’action, l’ouverture sans force ni dégradation est-elle pour autant une réalité ? Outre la simple carte de crédit glissée entre le chambranle et la porte (le type de déverrouillage « classique » que toute personne ayant claqué un jour sa porte en oubliant ses clés à l’intérieur a en tête) ce type d’ouverture est-il réellement possible ? Peut-on procéder au déverrouillage d’une porte à cinq points de verrouillage, voire blindée, sans laisser de traces évidentes ?

Nous allons, dans cet article, nous attacher à présenter l’étendue « invisible » de ces effractions dites « douces » et du travail d’expertise qu’il est possible de réaliser pour « faire parler » les serrures.

L’effraction « douce » sans trace apparente, est-ce possible ? Et si oui, comment fonctionne-t-elle ?

Il est communément admis que, pour l’ouverture d’une « vraie » serrure (excepté donc les serrures très basiques) sans utilisation de la clé légitime, il faut soit casser celle-ci, soit casser l’élément sur lequel la serrure est fixée ou l’un des éléments de solidarisation de l’ensemble (porte, chambranle et pêne). Pourtant, il est possible de s’attaquer au mécanisme de la serrure et ainsi agir sur lui « comme si une clé légitime était présente », sans pour autant l’avoir introduite.

Lors d’un « crochetage » par exemple (une des techniques « douces » parmi plus d’une quinzaine d’autres), la serrure « tourne » sans que la clé ne soit à l’intérieur. Il devient alors possible de déverrouiller la porte. On peut même la refermer facilement, sans avoir à crocheter la serrure à nouveau. Après l’ouverture et la fermeture de la serrure, aucune trace n’est visible de l’extérieur et la serrure continue de fonctionner comme avant.

Quelles sont les serrures et, plus généralement, les systèmes de sécurité, concernés par ces « risques » ?

Plus un système sera bien pensé, plus il sera difficile de trouver le moyen de le contourner. Mais tout système comporte des failles. En ayant les connaissances et en y passant le temps nécessaire, il sera toujours possible de l’outrepasser. En termes de sécurisation (pour les lecteurs qui commenceraient à s’inquiéter pour la protection effective de leur porte d’entrée) c’est la multiplication des systèmes et leur installation judicieuse qui apporteront le niveau de sécurité satisfaisant. Néanmoins, chaque système, pris individuellement, reste contournable. Tous les types de serrures sont donc concernés par ce risque et peuvent faire l’objet d’une expertise en cas de doute.

Ces techniques sont-elles réellement utilisées, par qui et dans quels cas ?

Dans la majorité des cas : cambriolages d’opportunité, crimes générant de nombreuses traces, etc… le ou les auteur(s) n’auront pas obligatoirement les compétences pour agir de manière furtive sur la partie « intrusive » de leur méfait. L’usage d’un pied-de-biche permet une plus grande rapidité d’exécution et, si les traces laissées sur place ne présentent pas à leurs yeux une grande contrariété, ils ne font pas l’effort de dissimuler leur passage.

Pour autant, les méthodes d’intrusion furtives peuvent être employées dans les cas spécifiques où les auteurs essaient de dissimuler au maximum leur présence (homicides, vols d’informations sensibles, vols maquillés, etc…). L’attrait pour ces techniques est bien réel. De nombreuses vidéos en ligne présentent, sous la forme de tutoriels, les différentes techniques de contournement de serrures. De même, de multiples boutiques spécialisées proposent les outils nécessaires à la mise en œuvre de ces techniques.

Sur ce point, il est regrettable de constater que certains fabricants de matériels ne réservent pas toujours leurs produits aux seules forces de l’ordre ou serruriers. D’autant plus que les serruriers n’emploient pratiquement pas ces techniques, trop coûteuses en temps d’entraînement, en matériel, et sans grand intérêt d’un point de vue commercial. Ils préfèrent, bien souvent, recourir à une simple perceuse. Si ces vidéos sont, dans la très grande majorité des cas, « réalisées par » et « destinées à » des crocheteurs « sportifs », il n’empêche qu’elles présentent néanmoins des techniques qui deviennent de plus en plus accessibles, voire à la portée de tous et donc également à la portée de personnes à la moralité douteuse.

C’est une réalité de terrain : de plus en plus de malfaiteurs se spécialisent dans l’une ou l’autre des techniques d’ouverture douce, et ce en fonction de leur affinité pour tel ou tel délit. Dans le cadre d’une opération de police judiciaire telle qu’une perquisition, les enquêteurs peuvent être amenés à découvrir des objets susceptibles de correspondre à du matériel d’intrusion. Dans ces circonstances, nous sommes régulièrement sollicités afin de savoir s’il s’agit bien de matériel d’intrusion et s’il peut réellement fonctionner. L’identification précise de ces outils peut ainsi orienter les enquêteurs vers une manière d’opérer particulière ou vers une marque de véhicule ciblée (lorsqu’il s’agit d’outils dédiés à l’ouverture des véhicules) et ainsi concourir à la manifestation de la vérité.

À quoi ressemblent les outils utilisés ?

Tout dépend du type de serrure visé. Certains outils sont « généralistes » et couvrent un large spectre de serrures. D’autres sont, au contraire, extrêmement spécialisés. Dédiés uniquement à un type et modèle particulier de serrure, ils sont d’une efficacité redoutable pour qui sait s’en servir.

Lorsqu’on réalise une expertise sur les traces d’outils laissées et afin d’apporter une réelle plus-value à l’enquête, il est aussi important de faire le distinguo entre les outils manufacturés, qu’on peut trouver plus ou moins facilement dans le commerce spécialisé, et les outils « faits maison » que certains confectionnent eux-mêmes (attestant d’un certain savoir-faire, tout en désignant parfois leur auteur). Il faut également citer l’existence de « faux outils » susceptibles d’avoir laissé des traces ou d’être découverts sur les lieux, sans pour autant être en mesure d’ouvrir la serrure en question.

En effet, il arrive que certaines personnes veuillent faire croire, pour diverses raisons, en la réalité d’une intrusion (qui n’a pas réellement eu lieu ou alors pas comme on voudrait le laisser penser). Ces individus utilisent pour cela toutes sortes d’outils (incrustant possiblement peu de traces pour accréditer le scénario d’un « crochetage » de la serrure). Là encore, l’expertise tentera de déterminer si les traces sont consécutives à l’usage d’un outil ayant réellement la possibilité de déverrouiller la serrure ou non.

Quelles traces peuvent être visibles lors d’une intrusion ?

Les techniques d’ouverture « non destructives » laissent des micro-traces. Ces traces, n’ont rien à voir avec celles que laisse de manière « normale » et « habituelle » une clé légitime dans sa serrure, et ce pour une multitude de raisons. Parmi elles, citons :

  • La forme et l’épaisseur des outils, qui diffèrent complètement de celles de la clé et de ce fait marquent différemment la surface des éléments rencontrés.
  • Lors de l’insertion d’une clé, le mouvement rotatif de celle-ci intervient après son insertion rectiligne, sans tension, de sorte que ce passage n’appuie pas outre mesure sur les différentes « sûretés » de la serrure ; ce qui n’est pas le cas lors d’un crochetage, où des appuis prononcés, ou « microforçages », doivent être réalisés pour mettre en place les « sûretés » de la serrure (les éléments qui la verrouillent).
  • Certains emplacements d’une serrure ne sont jamais au contact de la clé et ne devraient jamais présenter la moindre trace, hormis celles de l’usinage d’origine. Lors d’un crochetage, les outils « raclent » ces emplacements, supposés vierges de tout contact, et laissent ainsi des traces significatives.

De ce fait, si l’on sait où chercher et quoi chercher, il est non seulement possible de voir que des outils ont été utilisés, mais également de déterminer avec précision le type d’attaques (même « non destructives ») qu’a pu subir une serrure. Par exemple, pour l’utilisation d’une technique appelée « bumping », l’outil « percute », parfois à plusieurs reprises, les goupilles de la serrure avec pour résultat les traces présentes sur la photo n° 7 ci-dessous. Ces traces ainsi générées sont caractéristiques de ce type d’attaques. Cette mise en évidence peut être d’une aide précieuse pour l’enquête et permet en outre d’identifier le profil « intrusif » de l’auteur des faits.

Sur quelles connaissances s’appuie l’expert pour identifier l’effraction non destructive ?

Pour expertiser des serrures et mettre en évidence la présence ou l’absence de traces d’ouverture, il est impératif que l’expert connaisse parfaitement le fonctionnement des différentes familles de serrures, qu’il maîtrise l’ensemble des méthodes d’effraction possibles (destructives et non destructives) ainsi que les principes physiques et mécaniques qui entrent en jeu. Il doit avoir une connaissance approfondie de l’ensemble des outils d’intrusion existants et de ceux pouvant être improvisés, avoir étudié en profondeur les traces et microtraces que laissent ces ouvertures, et savoir démonter proprement une serrure en évitant absolument la « contamination » de celle-ci par des traces supplémentaires. Enfin, il doit connaître les méthodes de minimisation des traces pouvant être employées par les auteurs, afin de les identifier et déterminer si elles ont été utilisées.

Chercher des traces sans savoir quoi chercher ne rime évidemment pas à grand-chose. Dans certains cas, la serrure peut présenter des traces suspectes ne relevant pourtant pas d’une intrusion. Ces « faux positifs » 2 peuvent être nombreux pour celui qui ne connaît pas réellement la discipline.

Pour ces raisons, il est impératif, avant de chercher les traces, de savoir quelle technique a pu être employée et de mettre en cohérence la faisabilité d’une attaque avec la réalité environnementale de la serrure ou de tout élément de sécurisation. Pour finir, l’expert doit pouvoir se mettre en situation, c’est-à-dire être lui-même compétent pour pratiquer ces méthodes d’ouverture, voire d’en inventer de nouvelles lorsque cela est possible et que ce type de modus operandi « innovant » est à suspecter. Seul un expert capable de se mettre à la place d’un intrus pourra réellement appréhender ce qui a été fait sur une serrure. Les microtraces « parlent », mais encore faut-il que l’expert « traduise » couramment le « langage » des serrures.

Quelles sont les étapes d’une expertise en intrusion ?

Une bonne expertise peut difficilement avoir lieu sans un bon prélèvement. C’est la raison pour laquelle il est idéal que l’expert puisse prélever lui-même la ou les serrure(s) sur le terrain. Il saura s’entourer des précautions nécessaires et prendre en compte pleinement l’environnement. Lorsque ce n’est pas possible, il est préférable qu’un personnel de la police technique et scientifique (technicien en identification criminelle ou équivalent), ayant au préalable participé à une sensibilisation sur le sujet, réalise le prélèvement.

Ainsi, lors de ce prélèvement, il pourra veiller à ne rien introduire dans la serrure ou à le faire (si le démontage du canon le nécessite) en suivant les directives permettant la sauvegarde maximale des hypothétiques traces (notamment en ne touchant pas le côté extérieur). Il saura quelles prises de vue contextuelles effectuer pour que l’expert arrive à situer la serrure dans son environnement d’origine. De même, il posera les bonnes questions aux utilisateurs de la serrure. L’expertise se poursuit en laboratoire. Les observations préliminaires sont effectuées et la serrure est préparée en vue de l’expertise. Les différents éléments sont démontés, permettant la réalisation d’observations non destructives. Le niveau réel de sécurité de la serrure est apprécié et les traces suspectes sont recherchées.

« Il est impératif, avant de chercher les traces, de savoir quelle technique a pu être employée et de mettre en cohérence la faisabilité d’une attaque avec la réalité environnementale de la serrure« 

David ELKOUBI

Lorsqu’il est nécessaire d’ouvrir par une découpe l’élément expertisé et qu’il s’agit de la décision la plus judicieuse afin de mener à bien l’expertise (par exemple pour observer l’intérieur d’un cylindre à un emplacement inaccessible sans découpe), cette découpe est effectuée de telle sorte qu’elle ne puisse en aucun cas altérer les emplacements dignes d’intérêt à observer.

Des comparaisons sont effectuées entre l’élément expertisé et un élément neutre (souvent, le côté extérieur de la serrure comparé au côté intérieur). D’autres comparaisons sont réalisées entre les traces trouvées et différentes traces d’outils pouvant correspondre. Enfin, une vérification de faisabilité est entreprise lorsqu’elle est matériellement possible. À l’issue de tous ces tests, l’ensemble des éléments sont de nouveau protégés et replacés sous scellés, afin de permettre d’éventuelles nouvelles observations ultérieures si nécessaire ou si ces observations demandent à être exposées.

Comment présenter un rapport dans un domaine méconnu ?

Le rôle de l’expert, au-delà d’aider le juge à statuer en lui donnant son avis technique, est de mettre à la portée des magistrats, avocats ou parties, une meilleure compréhension de la partie technique sur laquelle on le sollicite, mais également l’explication du cheminement qui l’amène à formuler un tel avis.

Or, l’un des aspects complexes dans cette discipline réside dans la vulgarisation des techniques sensibles, parfois même secrètes. Ces techniques, potentiellement utilisées par un intrus, s’avèrent difficilement comprises, de prime abord, par une personne non avisée. Pour ces raisons, le rapport présente en détail les observations, ce qu’elles impliquent, en développant le fonctionnement de la serrure dans telle ou telle condition. Un lexique relatif à tous les termes techniques employés est annexé au rapport, afin de vulgariser de manière simple et compréhensible une terminologie bien souvent complexe. La pédagogie est ici essentielle pour que les lecteurs du rapport, même en l’absence de connaissances dans le domaine, puissent prendre la mesure des observations rapportées et de leurs implications.

Les faux positifs d’une intrusion

Une serrure peut rester plusieurs décennies à la même place, sur une porte. Pendant cette période, de nombreuses péripéties peuvent lui arriver : insertion d’une clé qui ne lui était pas destinée, tentative de forçage non aboutie, insertion volontaire et involontaire (par des enfants par exemple) d’objets divers, etc. Dans ces situations, il peut arriver que des « traces » apparaissent dans la serrure. Pour autant elles ne signifient en rien une intrusion. Le seul moyen pour savoir si une trace est effectivement consécutive à une intrusion ou pas est donc de connaître parfaitement les mécanismes des techniques de crochetage des serrures.

Ci-contre un exemple de goupille avec des « traces » inhabituelles, non consécutives d’un crochetage (mais plutôt d’une utilisation très répétée d’une copie de la clé originale, réalisée sur une ébauche ayant un profil légèrement différent, et une butée décalée). Une observation « naïve » aurait pu aboutir à un « faux positif » (diagnostic de positivité de l’intrusion, à tort, car les traces proviennent de tout autre chose).

NOTES :

1 : Qui traite de la définition de certaines circonstances entraînant l’aggravation, la diminution ou l’exemption des peines.
2 : Voir sous-partie sur « les faux positifs d’une intrusion ».

Article publiée dans la revue EXPERTS n°149 – Avril 2020


Empreintes digitales pour détecter le cancer du sein - police scientifique

Les empreintes digitales, bien plus qu’une méthode d’identification

Largement utilisées par les services de police du monde entier pour l’identification des personnes, les empreintes digitales permettent également de réaliser différents tests de dépistage.

L’intérêt pour les empreintes digitales vient d’être relancé grâce à une nouvelle étude publiée le 1er février 2023 par des chercheurs de l’Unité mammaire Jasmine du Doncaster Royal Infirmary au Royaume Uni. Les scientifiques ont en effet mis au point une technique digitale qui permet de détecter le cancer du sein avec une précision de près de 98%.

Des sécrétions qui trahissent la maladie…

Dans ce cas, pas question de scruter les classes de formes des empreintes digitales ou encore les minuties, ces points caractéristiques situés sur les lignes papillaires, qui permettent une identification fiable des individus grâce à leurs empreintes. En réalisant des frottis à l’extrémité des doigts afin d’en prélever la sueur, les médecins ont détecté la présence de protéines et de peptides, indiqués comme bio-marqueurs d’un potentiel cancer du sein.

Cette technique non invasive et sans douleur pour les patientes, permettrait de différencier les tumeurs bénignes, précoces ou métastatiques. Si les résultats sont confirmés, elle pourrait être commercialisée prochainement sous la forme d’un kit afin de poser un diagnostic rapide et fiable, nettement moins traumatisant et coûteux que la mammographie, qui est à l’heure actuelle le moyen de dépistage de référence.

…Et dépistent les stupéfiants!

De la médecine aux sciences forensiques, il n’y a souvent qu’un pas, que dans ce cas, la technologie a franchi. Le prélèvement de sueur au niveau des empreintes digitales fait en effet partie des dispositifs existants pour détecter la présence de quatre classes de stupéfiants : amphétamines, cannabis, cocaïne et opiacés.

Là encore, c’est le prélèvement de sueur qui trahit l’existence de ces molécules, que le produit chimique ait été simplement manipulé ou ingéré. Il suffit de presser les doigts sur un papier spécial puis de l’analyser à l’aide de la spectrométrie de masse pour en trahir la présence, une détection possible jusqu’à 48 heures après le contact ou l’ingestion.

Contrairement aux tests sanguins qui exige toute une logistique, cette méthode d’analyse ne prend que quelques minutes et peut aussi être employée au niveau des traces papillaires relevées sur une scène de crime. Elle se révèle également efficace dans le cadre médico-légal sur des prélèvements de sueur post-mortem.

Sources :

https://www.nature.com/articles/s41598-023-29036-7

https://www.businesswire.com/news/home/20181008005386/fr/

Un laboratoire dédié à l’investigation numérique de terrain

TRACIP, spécialiste de l’investigation numérique, a développé plusieurs laboratoires mobiles afin de permettre aux forces de l’ordre de mener leurs investigations au plus près du terrain. Parmi ces laboratoires, le mobil’IT est un modèle exclusif permettant aux enquêteurs spécialisés en numérique de réaliser des analyses forensiques et de la récupération de données, en mode autonome, nomade et collaboratif.

L’enjeu de la mobilité pour l’enquête

Les enquêteurs sont confrontés à plusieurs enjeux dans le cadre de leurs investigations et notamment la nécessité d’accélérer leurs enquêtes. Raccourcir les délais et limiter les étapes et manipulations pour préserver la preuve numérique en raison notamment de sa « fragilité » est une préoccupation croissante. Les solutions qui permettent de déployer les moyens de traitement et d’analyse de la preuve au plus près de la scène d’intervention apportent une réponse à ces défis. Tracip (entité de Deveryware appartenant à Flandrin technologies, la division cyber du groupe ChapsVision), premier laboratoire français privé d’expertise judiciaire numérique a développé depuis 2014  le mobil’IT dédié à l’investigation numérique. Conçu pour accompagner les enquêteurs lors de leurs interventions, ce laboratoire est un véhicule comprenant toute l’installation nécessaire à la réalisation d’investigations numériques sur le terrain.

Proposer les mêmes qualités qu’un laboratoire fixe

Le mobil’IT, véhicule hautement équipé, a été pensé pour tirer le meilleur parti des équipements et optimiser les processus de travail, en situation d’itinérance. Il dispose des mêmes fonctionnalités qu’un laboratoire fixe, « traditionnel », tout en étant totalement autonome. Le Système d’Information y joue alors un rôle central : il est le centre névralgique qui permet aux équipes d’enquêteurs de réaliser leurs missions sans contrainte, et de rester connectés avec l’extérieur, que ce soit par des moyens de communication traditionnels (4G, satellite…) ou spécifiques (réseau privé chiffré). La distribution du réseau interne se fait de la même façon que pour tout autre laboratoire, qu’il soit cuivré ou fibré. En outre, il dispose de ses propres ressources en interne pour une autonomie complète, avec l’intégration de différents serveurs. La configuration permet également d’accéder au contenu de mémoires flash et de disques durs défectueux ou endommagés.

Alimentation électrique autonome, équipements spécifiques (baie informatique, stations de travail, salle blanche), dispositifs de communication, etc., la configuration offre souplesse et efficacité au service de la résolution des enquêtes.

Intérieur du mobil'IT - investigation numérique
Les équipements du mobil’IT permettent de mener des investigations numériques
en complète autonomie

Spécificité de la preuve numérique

Aujourd’hui, il est difficile pour un enquêteur de synthétiser de manière pertinente et rapide de grandes quantités d’informations. Les outils d’analyse et les méthodes évoluent, afin de traiter et d’exploiter des volumes de données toujours plus importants dans le but de mettre en relief rapidement les éléments les plus pertinents. Dans un monde de plus en plus numérisé, l’accès aux éléments de preuves impose de mettre en œuvre des techniques de recueil rigoureuses qui ne seront pas sujettes à contestation devant la justice.

L’investigation numérique permet de valoriser les indices en preuves numériques, afin d’en garantir l’admissibilité dans le cadre de l’enquête judiciaire. Aujourd’hui, l’émergence du cloud, l’augmentation de la diversité et du volume de données et des crimes dont la nature est devenue bien plus technique (faille de réseau…cybersécurité, etc.), pousse l’investigation numérique à évoluer. La fiabilité des résultats est une exigence à satisfaire, tout comme la vitesse de traitement surtout lorsque les échéances sont courtes. Par exemple, lorsqu’un suspect est en garde à vue, le temps de traitement est très limité. Et lorsqu’il s’agit d’une disparition, chaque minute compte.

L’enjeu pour l’investigation numérique est ainsi de favoriser la sauvegarde de la preuve et d’éviter l’altération, la falsification des données d’identification (auteur, horaire, matériel), pour prouver l’origine et l’intégrité du document numérique. Sans quoi il ne pourra pas être retenu par un juge.

La collecte, l’analyse et la restitution d’éléments de preuves issus de supports numériques dans une opération « terrain », imposent donc une vigilance accrue quant au traitement de la donnée.  Dans un contexte d’intervention en situation de mobilité, la preuve numérique est d’autant plus fragile, volatile, et complexe à localiser. Un défi auquel permet justement de répondre le mobil’IT.

Les laboratoires d’investigation mobiles, une expertise de TRACIP

TRACIP a développé une expertise unique en matière d’investigation numérique mobile : laboratoires déployables sur le terrain et kit d’investigation terrain (notamment le « Field k’IT backpack » conditionné dans un sac à dos et comprenant un hexib’IT laptop, un bloqueur externe et un duplicateur).

Concernant les laboratoires mobiles, TRACIP a développé conjointement avec l’IRCGN (L’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale) le mobil’DNA, laboratoire mobile dédié à l’analyse ADN rapide pour l’identification humaine. Ce dispositif projetable est sans équivalent dans le monde pour opérer rapidement des analyses génétiques d’une grande quantité de prélèvements biologiques, pour l’identification de victimes multiples, qu’il s’agisse d’actes terroristes, d’accidents ou de catastrophes naturelles. En juillet 2022, le Centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des affaires étrangères a fourni à la procurature générale d’Ukraine un mobil’DNA / Lab’ADN. Cette action s’inscrit dans le cadre du soutien de la France aux autorités ukrainiennes pour l’identification de leurs victimes suite à l’agression de la Russie.

L’analyse ADN express

Contrairement aux procédés habituels d’analyse ADN, deux heures suffisent au mobil’DNA pour obtenir les profils génétiques des 21 premiers échantillons d’analyse, incluant les étapes de mise en route et de calibration des équipements. Puis 21 nouveaux résultats d’analyse sont obtenus toutes les 30 minutes. Cette performance s’appuie sur l’innovation brevetée par l’IRCGN : le GendSAG (Gendarmerie Sample And Go), écouvillon de nouvelle génération, incluant un réacteur biologique supprimant l’étape d’extraction. Ses microfibres ont la propriété de collecter les traces biologiques avec une grande précision, minimisant ainsi leur altération et permettant de rendre l’ADN directement disponible pour une amplification par PCR et un génotypage par un séquenceur à électrophorèse capillaire.

Mobil'DNA laboratoire mobile génétique offert à l'Ukraine par la France - investigation numérique
Le mobil’DNA livré à l’Ukraine en juillet 2022 – Crédit : Jonathan Sarago – MEAE

Entièrement autonome en énergie, le mobil’DNA est capable d’analyser génétiquement jusqu’à 200 prélèvements biologiques par jour. Il embarque un cycle complet à bord, du prélèvement au résultat. De plus, les équipements d’analyse sont projetables si besoin par voie aérienne. Ce dispositif a été éprouvé à de multiples reprises, notamment lors de la tempête Alex (Alpes-Maritimes – 2020), de l’attentat de Nice (2016) ou du crash de l’avion de la German Wings (Alpes du Sud – 2015).

Utilisation de l'ADN dans le portrait-robot génétique

L’ADN à l’origine des portraits-robot !

Pour dessiner le portrait-robot d’un suspect, on avait coutume de faire appel à un portraitiste et à des logiciels spécialisés. Désormais, la police scientifique utilise aussi l’ADN récupérée sur la scène de crime pour dresser un profil physique très proche de la réalité.

En 1982, Edward Crabe, un australien de 57 ans, est assassiné dans sa chambre d’hôtel de Gold Coast situé dans l’état du Queensland. Malgré les nombreux témoignages recueillis et le prélèvement d’échantillons de sang sur la scène de crime, les enquêteurs ne réussissent pas à retrouver le coupable. 40 ans plus tard, la police australienne relance ce « cold case » en faisant appel au phénotypage de l’ADN. Cette technique encore récente, pratiquée notamment dans le laboratoire d’hématologie médico-légal de Bordeaux, permet de créer à partir de quelques cellules sanguines, le portrait-robot d’un suspect susceptible d’être identifié par les témoins ou l’entourage. 

Même inconnu, l’ADN parle !

C’est en tout cas ce qu’espèrent les policiers du Queensland qui ont lancé un nouvel appel à témoins le 9 novembre 2022. Ils comptent ainsi résoudre l’assassinat d’Edward Crabe grâce au portrait-robot établi à partir du sang retrouvé dans la chambre de la victime. Un premier profil ADN avait déjà été établi en 2020 mais celui-ci n’étant pas enregistré dans les bases de données nationales, les enquêteurs s’étaient rapidement retrouvés dans une impasse. Or, l’immense avantage du phénotypage, c’est que même lorsqu’un ADN n’est fiché nulle part, il n’en constitue pas moins une mine de renseignements sur la personne correspondante.

En quoi consiste cette technique ? On sait aujourd’hui que le matériel génétique renferme de très nombreuses informations, notamment sur le sexe, l’origine ethnique, la santé et l’apparence physique d’un individu. Les récentes techniques de séquençage de l’ADN permettent désormais d’analyser les séquences génétiques dites « codantes » et d’isoler celles qui renferment les indications morphologiques. Les scientifiques peuvent ainsi déterminer de façon suffisamment précise la forme d’un visage, la couleur de la peau, des yeux et des cheveux, une prédisposition à la calvitie ou encore la présence de taches de rousseur. A partir de ce profil génétique, il est possible d’établir un profil physique qui n’est à l’heure actuelle, ni complet, ni parfait mais qui peut permettre de réveiller les souvenirs de potentiels témoins.

Une technique qui tend à se perfectionner

Il existe aujourd’hui dans le Monde plusieurs équipes de chercheurs qui travaillent à perfectionner l’analyse de ces séquences génétiques liées au phénotype. L’objectif ?  Aller toujours plus loin dans la recherche des caractéristiques physiques des individus en prédisant par exemple la forme du lobe des oreilles ou encore l’âge de la personne étant à l’origine de la trace relevée.

Tous ces renseignements servent ensuite à mettre au point des programmes statistiques capables d’élaborer un portrait-robot génétique le plus proche possible de la réalité. Ces programmes, qui existent déjà aux États Unis, sont nourris par les entreprises proposant aux particuliers des tests ADN pour connaître leur généalogie et qui collaborent également avec les forces de l’ordre.

Dernièrement, une étude sur les sosies réalisée par une équipe de chercheurs du Leukaemia Research Institute à Barcelone (Espagne), est venue renforcer la réalité de ce portrait physique littéralement inscrit dans les gènes. En analysant l’ADN de ces « jumeaux virtuels », les scientifiques ont identifié des caractéristiques génétiques communes qui ne s’arrêtent d’ailleurs pas à  une apparence physique similaire. Elles sont également capables d’influencer certains comportements en matière d’alimentation et même d’éducation. Des résultats qui selon l’auteure principale de l’étude, Manel Esteller  «  auront des implications futures en médecine légale – reconstruire le visage du criminel à partir de l’ADN – et en diagnostic génétique – la photo du visage du patient  donnera déjà des indices sur le génome qu’il possède. Grâce à des efforts de collaboration, le défi ultime serait de prédire la structure du visage d’une personne à partir de son paysage multiomique«  .

Portraits-robot ADN génétique police scientifique aide dans la résolution des enquêtes judiciaires.
Exemple de portraits-robot génétique édités par Snapshot DNA analysis

Le projet européen VISAGE

L’objectif global du projet européen VISAGE (VISible Attributes Through GEnomics) est d’élargir l’utilisation judiciaire de l’ADN vers la construction de portraits-robot d’auteurs inconnus à partir de traces ADN le plus rapidement possible dans les cadres juridiques actuels et les lignes directrices éthiques.

Le consortium VISAGE est composé de 13 partenaires issus d’institutions universitaires, policières et judiciaires de 8 pays européens, et réunit des chercheurs en génétique légale et des praticiens en ADN judiciaire, des généticiens statistiques et des spécialistes en sciences sociales. Les objectifs sont :

  • d’établir de nouvelles connaissances scientifiques dans le domaine du phénotypage de l’ADN,
  • d’élaborer et valider de nouveaux outils dans l’analyse de l’ADN et l’interprétation statistique,
  • de valider et mettre en œuvre ces outils dans la pratique judiciaire,
  • d’étudier les dimensions éthiques, sociétales et réglementaires,
  • de diffuser largement les résultats et sensibiliser les différents protagonistes concernant la prédiction de l’apparence, de l’âge et de l’ascendance bio-géographique d’une personne à partir de traces d’ADN,
  • d’aider la justice à trouver des auteurs inconnus d’actes criminels au moyen du profilage de l’ADN

Pour aller plus loin :

https://snapshot.parabon-nanolabs.com/

Sources

https://www.newsendip.com/fr/comment-la-police-australienne-espere-resoudre-un-meurtre-de-1982-avec-un-nouveau-portrait-robot-issu-de-ladn-du-suspect/

https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/police/enquete-quand-ladn-dessine-des-portraits-robots_4882409.html

https://www.sciencedaily.com/releases/2022/08/220823115609.htm

Empreinte cérébrale une nouvelle méthode d'identification - biométrie et police scientifique Forenseek

L’empreinte cérébrale, nouvelle méthode d’identification ?

La Terre compte huit milliards d’habitants et chacun d’entre eux est unique. Une spécificité largement utilisée dans les procédés d’identification, grâce à la génétique, à la dactyloscopie et dans un futur proche, à l’empreinte cérébrale.

Si le XXème siècle a été celui des progrès technologiques, le XXIème sera sans aucun doute le siècle des neurosciences. Grâce aux nouvelles techniques d’IRMf (Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle), il est possible de capter en moins de deux minutes l’empreinte d’un cerveau, une empreinte tout aussi unique que celles qui se trouvent au bout des doigt et qui permet d’identifier un individu avec une précision proche des 100% .

Une empreinte cérébrale unique

Outre le volume du cerveau et l’épaisseur du cortex, l’équipe de chercheurs de l’université de Zurich qui travaille sur cette question, a mis en évidence les caractéristiques anatomiques spécifiques de chaque cerveau avec notamment une organisation des crêtes et des sillons qui n’est pas sans rappeler celle des empreintes digitales. Cette « architecture » cérébrale est modelée non seulement par la génétique mais également par la pratique de certaines activités, les événements de la vie (comme un accident physique ) ainsi que par les différentes expériences qu’une personne peut connaître dans son existence.

Toutefois, ce n’est pas tant l’image du cerveau que son activité neuronale qui permet de caractériser cette empreinte cérébrale. Les signes d’ activité captés par l’IRMf sont synthétisés de façon à donner une carte des réseaux neuronaux, appelée connectome cérébral fonctionnel. En analysant ce connectome, il est possible d’en établir un résumé visuel sous forme d’un graphique qui permet de suivre l’activité du cerveau, de comprendre quelles en sont les zones sollicitées (sensorielles ou cognitives) et point essentiel dans le domaine de l’identification, de différencier les individus entre eux.

L’empreinte cérébrale utilisée en biométrie

Dans la mesure où la réalisation d’une IRM est aujourd’hui encore longue et coûteuse, il est peu probable que ce procédé d’identification remplace dans un futur proche les appareils capteurs d’empreintes digitales.

En revanche, les institutions gouvernementales comme certaines entreprises privées exerçant dans des secteurs dits sensibles, s’intéressent de près au développement de techniques biométriques basées sur l’identification des signaux cérébraux qui permettraient de sécuriser de façon très poussée les identités numériques.

Du simple smartphone aux lieux de haute sécurité, il existe déjà des systèmes d’identification pourvus de lecteurs d’empreintes digitales mais l’on sait d’expérience qu’il existe des possibilités de falsification. L’empreinte cérébrale quant à elle, se révèle infalsifiable car elle est obtenue grâce à une technologie qui fait intervenir un algorithme spécifique et complexe. Pour mettre en place cette biométrie cérébrale, les scientifiques enregistrent à l’aide d’un casque pour EEG (électroencéphalographie) les ondes cérébrales émises face à différents types de stimuli sensoriels, mots peu fréquents, images en noir et blanc et en couleurs par exemple. Ces réponses, différentes pour chaque individu, constituent une identité inviolable car nichée au sein du cerveau et dont le profil serait perturbé dans le cas où l’on exercerait des pressions ou des violences sur la personne en question. On peut donc imaginer disposer avec l’empreinte cérébrale d’une technique biométrique supérieure à celles existantes, même la technique de la rétine considérée comme l’une des plus sophistiquées ou encore de nouvelles applications dans le domaine de la police scientifique.

Sources :

https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/technologie-biometrie-empreintes-cerebrales-nous-identifier-62535/

https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/neurosciences-chaque-cerveau-possede-sa-propre-empreinte-digitale_158577

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1832469/cerveau-empreintes-cerebrales-empreintes-digitales

Impression en 3D d'une arme fantôme - Forenseek - Police scientifique

Les armes fantômes, une menace bien réelle

Toutes les armes sont traçables, grâce à leurs caractéristiques de fabrication et leurs numéros de série. Toutes, sauf les armes fabriquées à l’aide d’une imprimante 3D qui, depuis quelques années, ont fait leur apparition dans les pays européens.

En 2013, Cody Wilson, un étudiant en droits de l’université du Texas, fonde son entreprise Defense Distributed dont l’objectif est de développer et de distribuer des armes imprimées en 3D. Lorsqu’il met en ligne son premier fichier CAO (Conception Assistée par Ordinateur) gratuit pour fabriquer un pistolet en plastique baptisé liberator, le succès est immédiat avec pas moins de 100 000 téléchargements en seulement deux jours!

L’événement ne passe pas inaperçu auprès du gouvernement américain qui exige que le fichier soit retiré. C’est le début d’une bataille juridique qui aboutit en 2018 à la légalisation des armes à feu imprimées en 3D par l’administration Trump. Cette décision, bloquée en 2019 par un juge fédéral est aussitôt contrecarrée par le réseau d’activistes pro-armes Deterrence Dispensed, qui va continuer à diffuser les fichiers de modèles d’armes à feu au nom du deuxième amendement de la constitution américaine stipulant que: « Une milice bien réglée étant nécessaire à la sécurité d’un Etat libre, le droit du peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé ».  Ces armes fantômes pullulent désormais dans les villes américaines, suscitant une inquiétude grandissante dans toute l’Amérique du Nord.

NON IDENTIFIABLES ET INTRACABLES

Totalement illégaux en Europe, ces fichiers de fabrication n’en circulent pas moins sur le net. Selon l’agence de police européenne EUROPOL, les saisies d’armes en 3D dans le cadre d’enquêtes sur le territoire européen n’ont cessé d’augmenter ces dernières années. Pour preuve , le démantèlement d’un atelier dédié à leur fabrication en Espagne ou encore l’arrestation au Royaume-Uni d’individus de mouvance d’extrême droite, détenteurs de composants d’armes en 3D.

Si ces armes fantômes inquiètent tant les autorités des deux côtés de l’Atlantique, c’est d’abord parce qu’elles échappent à toute possibilité d’identification. Chaque arme fabriquée dans le cadre d’un processus industriel possède en effet ses caractéristiques propres qui laissent des traces sur ses différentes pièces (percuteur, éjecteur, canon…) mais également les douilles et les projectiles et créent une sorte d’empreinte, unique comme le sont les empreintes digitales. Dans la plupart des cas, les techniques d’investigation actuelles réussissent également à détecter un numéro de série même si celui-ci a été volontairement effacé. En revanche, une arme issue d’une imprimante 3D ne possède aucun de ces éléments qui pourraient permettre de remonter la piste ou encore d’en comptabiliser le nombre en circulation.

Autre motif d’inquiétude : les matériaux qui composent cette nouvelle génération d’armes. Il s’agit généralement de thermoplastiques tels que le PLA, acide polyactique issu de ressources renouvelables, ou de l’ABS, Acrylonitrile Butadiène Styrène, un polymère thermoplastique très utilisé en électroménager. Dans les deux cas, le pistolet ne déclenche pas les portiques détecteurs de métaux, rendant inopérantes les mesures de sécurité prises dans les lieux publics, notamment face aux tentatives terroristes. Il est d’autant plus indétectable qu’il peut être démonté pièce par pièce puis remonté manuellement en quelques minutes.

UN DEFI DE TAILLE FACE A LA TECHNOLOGIE

Le seul point rassurant face à cette nouvelle menace, ce sont les nombreuses fragilités de ces armes fantômes. Le procédé de fabrication avec les imprimantes actuelles est complexe et les thermoplastiques utilisés ont tendance soit à se déformer, soit à se fissurer ou à casser. Face à la force explosive d’un tir de balle, la structure ne résiste pas, des essais ayant démontré que l’utilisateur ne peut tirer qu’une seule balle avant de voir l’une des pièces de l’arme exploser. Il existe des modèles d’armes métalliques en 3D mais elles sont très coûteuses et perdent de fait leur « invisibilité».

Pour les experts, toutefois, c’est plutôt le coup d’après qu’il faut garder en tête. Les technologies 3D évoluant constamment et de façon très rapide, il faut s’attendre à voir émerger dans un avenir proche une nouvelle génération d’imprimantes et de matériaux plus performants qui rendraient alors la confection d’une arme aussi simple qu’un jeu d’enfant.

Sources :

https://www.ledevoir.com/societe/698724/violence-armee-les-armes-fantomes-un-phenomene-qui-inquiete

https://www.3dnatives.com/armes-imprimees-en-3d-08092020/

https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/union-europeenne/de-plus-en-plus-d-armes-imprimees-en-3d-saisies-en-europe-selon-europol_5163001.html

https://www.noovo.info/video/le-ghost-gun-une-nouvelle-menace-pour-les-policiers-au-canada.html

bite marks on victim - morsure

Les traces de morsure, des preuves fiables?

Si l’analyse dentaire fait désormais partie des techniques d’identification médico-légales reconnues, celle des traces de morsure semble aujourd’hui remise en question, faute d’un fondement scientifique suffisant.

Au même titre que l’ADN ou les empreintes digitales, les dents ainsi que les mâchoires constituent une sorte de carte d’identité unique et propre à chaque individu. Cette constatation a donné naissance à une branche de la médecine légale, l’odontologie médico-légale qui va trouver l’une de ses premières applications en 1897, lors de l’incendie du Bazar de la Charité. Face à des cadavres entièrement calcinés et méconnaissables, les autorités ont eu l’idée de faire appel aux dentistes des victimes.

Quand les dents laissent leurs marques

Depuis, ce processus d’identification est utilisé à chaque fois que l’on doit identifier des restes humains, individuellement ou lors de catastrophes de masse et ce, quelles que soient les circonstances du décès. La structure des dents résiste en effet à pratiquement tous les facteurs de destruction tels que l’enfouissement, la crémation, l’immersion ou encore les attaques physico-chimiques.

En l’absence de toute autre donnée, l’étude faite par l’expert odontologiste sur les dents, leurs pathologie et les signes d’usure notamment, peut donner des informations sur le sexe, l’âge, l’ethnie, les habitudes alimentaires, et par comparaison avec un dossier dentaire « ante mortem », identifier formellement un individu.

Une autre partie de l’odontologie médico-légale consiste à interpréter les traces de morsure laissées sur une victime, vivante ou décédée mais également sur un agresseur ou sur certains objets. L’analyse que les experts effectuent désormais à l’aide de technologies numériques comme le laser-scanner 3D, peut conduire à l’identification ou a contrario à l’exclusion d’un potentiel agresseur. Toutefois, dans la mesure où il n’existe aucune automatisation des méthodes et que cette interprétation doit tenir compte de nombreux facteurs en dehors des dents, certains spécialistes considèrent que cette technique médico-légale manque de fondement scientifique et ne peut pas constituer une preuve formelle.

Une fiabilité remise en question

La polémique, qui a débuté aux Etats Unis en 2009 avec une étude réalisée par les Académies nationales des sciences, d’ingénierie et de médecine, vient de rebondir ces dernières semaines avec un projet de rapport émis par le National Institute of Standards and Technology (NIST) qui remet en question la rigueur scientifique de ces analyses.

Le NIST souligne que l’interprétation des traces laissées par les morsure est basée sur deux postulats de départ : le premier étant que les marques de dents sont uniques, le second que ces morsures sont parfaitement préservées quel que soit le support. Or, elles ne font intervenir qu’une partie de la dentition des dents (essentiellement celles du devant). De plus, la peau humaine, le plus souvent porteuse de ces marques, est par définition un tissu malléable, susceptible de les modifier en fonction de son élasticité, des mouvements de la victime, des ecchymoses qui peuvent survenir et du degré de cicatrisation in situ. Tous ces facteurs, selon certains spécialistes, affaiblissent la possibilité d’une comparaison suffisamment fiable pour incriminer un suspect.

Le rapport de cette agence fédérale américaine est encore loin d’être finalisée mais ses premiers éléments suscitent déjà de nombreuses réactions dans les milieux scientifiques comme dans certains organismes oeuvrant pour démontrer l’innocence de personnes condamnées par erreur. C’est notamment le cas de l’organisation Innocence Project établie aux Etats Unis, qui rappelle que 26 personnes ont été condamnées à tort sur la base de traces de morsure. Ce qui présage de nombreuses batailles juridiques à venir.

Sources

https://www.scientifique-en-chef.gouv.qc.ca/impacts/ddr-medecine-legale-les-marques-de-dents-une-science-exacte/

https://reason.com/2022/10/19/federal-report-adds-to-the-evidence-that-bitemark-analysis-is-nonsense/

https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/pjgn/ircgn/l-expertise-decodee/identification/les-dents-aussi-discriminantes-que-l-adn

https://hal.univ-lorraine.fr/hal-01947165

https://innocenceproject.org/what-is-bite-mark-evidence-forensic-science/

Mallette d'aide contre les agressions sexuelles - Police scientifique - Forenseek

La Mallette d’aide à l’Accompagnement et à l’Examen des Victimes d’Agressions Sexuelles (MAEVAS) de la Gendarmerie Nationale

La lutte contre toutes les formes de violences et agressions sexuelles est une préoccupation permanente des unités de gendarmerie qui œuvrent au quotidien sur le terrain en partenariat avec l’ensemble des acteurs institutionnels et associatifs concernés par ce phénomène.

Si l’amélioration de la formation des militaires et de la prévention de ce type de faits sont des approches incontournables afin d’optimiser le dispositif actuel, il n’en demeure pas moins que la phase judiciaire est essentielle pour procéder à l’identification des auteurs en vue de leur présentation à la justice.

La victime d’une agression sexuelle peut se présenter auprès d’un service d’enquête ou se rendre à l’hôpital (Accueil des Urgences ou Pôle des violences sexuelles), voire se rapprocher d’une association ayant pour vocation d’aider les victimes de ce type de faits.

Si dans le premier cas cela entraîne un dépôt de plainte, en milieu hospitalier ou auprès d’une association, un signalement est à minima réalisé. Si l’agression remonte à moins de 5 jours, la victime s’inscrit alors dans un parcours : Accueil et soutien, Anamnèse, Prélèvements médico-légaux, traçabilité … Au delà des 5 jours, elle est orientée vers des informations et une prise en charge médico-sociale.

Dans le cas du dépôt de plainte, la victime suit alors un parcours, parfois ressenti comme laborieux ou contraignant, où il va lui falloir passer de rendez-vous en rendez-vous à l’occasion desquels il lui faudra à plusieurs reprises verbaliser ce qui lui est arrivé, subir des prélèvements, la saisie de pièces et objets dans le cadre d’une procédure avec des scellés transmis à un laboratoire d’analyse en vue d’une expertise médico-légale ou hospitalière. Dans le cas contraire, il convient d’assurer à minima la conservation des prélèvements en cas de dépôt de plainte ultérieur ou d’une autre saisine de la part de la justice.

A cela peut se rajouter la qualité d’un accueil inadapté ou les élongations dans le circuit entamé. Cela entraîne du stress pour les victimes et leurs entourages et certaines ne vont pas au bout de leurs démarches initiales.

Dans ce cadre, la Gendarmerie Nationale a, à partir de l’année 2018, développé le Programme « MAEVAS » pour Mallette d’aide à l’Accompagnement et à l’Examen des Victimes d’Agressions Sexuelles suivi au sein de l’Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale (IRCGN) à Pontoise (95).

Pour mieux accompagner les victimes d’agressions sexuelles

« MAEVAS » propose une démarche globale novatrice visant à accompagner les victimes d’atteintes sexuelles les plus graves, quel que soit leur âge ou leur sexe, tout en offrant des outils méthodologiques et criminalistiques collaboratifs permettant de procéder à toutes les investigations nécessaires, regroupés dans une mallette, au bénéfice de la résolution de cette typologie d’infractions, allant de l’accueil de la victime qui dépose plainte, en passant par les prélèvements, pour tendre vers un traitement judiciaire optimum sans négliger l’accompagnement de la victime et de son entourage durant toute l’enquête.

Le but étant de ne pas imposer à la victime des auditions ou actes complémentaires ultérieurs, qui seraient traumatisants. Le corps d’une victime n’est pas une scène de crime comme les autres !

En effet, les Unités Médico-judiciaires (aussi appelée UMJ), lieux où le médical collabore avec l’autorité judiciaire, c’est-à-dire réalise des actes médicaux à la demande des enquêteurs ou de la justice sont les structures à même de répondre efficacement à ce besoin. Mais, la moitié de la France n’est pas dotée d’UMJ, qui sont souvent, pour ne pas dire exclusivement, implantées en Zone Police Nationale où, à défaut, un service d’urgence hospitalier est présent à proximité. La situation est tout autre en Zone Gendarmerie Nationale, avec le contexte particulier de nos territoires et départements situés en Outre-Mer.

Diffusée dans un premier temps au sein d’unités de Gendarmerie à proximité desquelles on ne trouve pas d’UMJ, « MAEVAS » permettra ainsi de réduire les inégalités territoriales et elle pourra particulièrement être déployée Outre-Mer.

Sa mise à disposition dans les unités d’accueil devrait permettre, en cas d’impossibilité de traitement dans les meilleurs délais au sein d’une UMJ (Distance, accessibilité …), à un médecin isolé, spécifiquement requis, de procéder dans son cabinet, aux prélèvements nécessaires, afin de ne pas laisser une victime sans réponse, ce qui serait préjudiciable à la prise en compte de son agression. Ce projet repose donc sur la collaboration entre tous les acteurs, autour de la prise en compte de l’état et du besoin d’accompagnement de toute victime de ce type d’agression.

Ultérieurement, « MAEVAS » pourra également être déployée dans le milieu carcéral ou universitaire (Bizutage), voire sportif. Le concept pourrait également utilement être déployé au sein des Armées (Agressions sexuelles lors d’opérations extérieures, Bâtiments de la Marine Nationale, Bases …) via les médecins militaires.

Une mallette complète à destination des enquêteurs et médecins

Un document de synthèse rassemblant de multiples recommandations, depuis des conseils sur les conditions d’accueil d’une victime jusqu’aux actes de prélèvements, incluant des aspects relatifs aux auditions ou à l’accompagnement de la victime, est présent. En première version, un contenu allégé visant principalement à permettre l’identification d’un auteur est proposé, ce qui permet un déploiement initial plus rapide.

Aussi, on y trouve :

– Les consommables nécessaires, sous forme de kits pré-emballés, dédiés aux dépistages divers et aux prélèvements conservatoires (ADN, toxicologie, traces de transferts, kit hygiénique …), dans le but d’identifier l’auteur des faits,

– Des fiches guides d’aide aux prélèvements ainsi que des recommandations (sanitaires ou de recherches, localisation et conservation d’indices …) à l’attention des médecins et enquêteurs qui viendraient assurer la continuité des échanges et des actes entre tous les intervenants.

« MAEVAS » peut ainsi être déployée dans des unités éloignées d’UMJ et de services hospitaliers. Charge à ces unités de faire accompagner une victime qui se serait présentée en leurs locaux par une « MAEVAS ».

Mallette MAEVAS d'aide dans les affaires d'agressions sexuelles - Police scientifique - Forenseek
Description de la Mallette dédiée aux victimes d’agressions sexuelles 40×32,5x12cm – © PJGN – IRCGN

Par ailleurs, au regard du fait que les UMJ ou les services d’urgences hospitalières souhaitent améliorer leurs contacts avec les enquêteurs dans le but d’améliorer la coordination et les actions à conduire, il pourra être envisagé ultérieurement, dans le cadre d’une coordination avec le Ministère des Solidarités et de la Santé de mettre à leur disposition des « MAEVAS ».

La résolution de ce type d’affaire nécessite une complémentarité d’actions entre acteurs autour de la prise en compte de l’état et du besoin d’accompagnement de toute victime de ce type d’agression et qui opèrent bien souvent les uns après les autres, alors qu’une approche globale, complémentaire, harmonisée et systématique s’avérera moins traumatisante pour la victime et permettra une meilleure exploitation par les enquêteurs. C’est dans ce but qu’a été organisé le 13/03/2019 à Pontoise (95) un Gend’Lab(*) sur le thème de « Violences faites aux femmes : Les Atouts de MAEVAS (Mallette d’aide à l’Accompagnement et l’Examen des Victimes d’Agressions Sexuelles) ». Ce Gend’Lab avait pour objectif de fédérer les bonnes volontés pouvant contribuer à la « conception » et à l’accompagnement de la Mallette, en amont et en aval de son emploi (Associations d’aide aux victimes, Ministère de la Justice, Ministère de la Santé et l’Ordre des médecins …).

* : Événement ouvert au public organisé par la Gendarmerie Nationale qui a pour objet d’exposer ses travaux ou projets scientifiques et techniques en présence des partenaires du projet et des organisations intéressées par le thème.

Avec « MAEVAS », tous les acteurs ayant à en connaître complètent, en ce qui les concerne, la partie du dossier leur revenant, avec en final la constitution d’un dossier judiciaire cohérent facilement exploitable par un magistrat.

Une expérimentation lancée au 1er semestre 2022

Importance de la mallette « MAEVAS », mixant donc l’aspect criminalistique (aide aux enquêteurs) et l’aspect aide à la victime (références des associations d’aide aux victimes), qui fait l’objet d’une expérimentation terrain depuis la fin du 1er Semestre 2022 au sein des départements de la Charente Maritime (17), du Cher (18), du Val d’Oise (95) qui possèdent des environnement médicaux légaux différents.

Tout autant, pour les spécificités Outre-mer, le Commandement de la Gendarmerie Outre-Mer et le Ministère des Outre-Mer proposent de voir expérimenter la Mallette à La Réunion pour son caractère insulaire et le gros volumes de faits potentiellement visés par « MAEVAS » et en Polynésie pour son caractère de multiple insularité, une forme d’isolement et les éventuelles difficultés qui en découlent à accéder à un accueil sanitaire/médical approprié.

Pour améliorer la réponse aux victimes 

Chaque « Kit » est destiné à un acteur et une action, accompagné d’un formulaire adapté. Cela contribuera à l’automatisation et la systématisation des actes techniques d’enquête ou de criminalistique. La composition du Kit doit être normalisée et tracée (Dates de péremption) avec une nécessaire réflexion à mener sur la conservation des prélèvements.

C’est une occasion de faire la démonstration que des spécialistes peuvent conjuguer leurs efforts afin de s’investir dans ce domaine en favorisant les partages d’expériences, clarifiant situations et rôles sans gaspiller énergie et expérience au bénéfice de la prise en compte de la situation de la victime. Cette indispensable connaissance fine du phénomène, permettra d’adapter dans le temps le dispositif.

Les victimes doivent avoir confiance en la réponse de l’État car elles ont peur pour elles-mêmes ou pour leurs proches. Elles ont besoin de savoir qu’il y a un accompagnement afin de limiter le traumatisme familial. D’autant que la victime a souvent peur de ne pas être écoutée ou crue lors de la déclaration des faits.

colonisation d'insectes nécrophages -entomologie médico-légale - police scientifique

L’Entomologie médico-légale

Les cadavres sont une denrée très disputée : certains insectes n’hésitent pas à parcourir des kilomètres pour venir y pondre leurs œufs. Cette entomofaune nécrophage est habituellement discrète, mais omniprésente : le moindre animal mort est immédiatement colonisé. Même si les corps humains sont rares comparativement aux autres animaux, ils n’échappent pas à cette fatale attraction.

Dès la mort survenue, un corps cadavre attire de nouveaux occupants : s’il fait beau, les mouches arrivent en quelques minutes à peine. Elles déposent des œufs par centaines, qui donnent naissance à autant de petits asticots. Sous l’effet de cette colonisation rapide et massive, le cadavre se transforme en un véritable écosystème. L’entomologie médico-légale (aussi appelée entomologie forensique) analyse les insectes de cet écosystème afin d’évaluer la date et parfois les circonstances du décès. Ce type d’expertise à de profondes racines (les premières traces écrites remontent au 13ème siècle), mais les méthodes ont considérablement évolué au cours des dernières années. A la fin du 19ème siècle, un vétérinaire français, J.P. Mégnin, proposa une chronologie basée sur la succession des insectes. Ce principe, connu sous le nom de « théorie des escouades », a longtemps servi de référence pour la datation des cadavres. Il a ensuite été progressivement abandonné en raison de sa trop grande imprécision et de son manque de fiabilité. La méthode des escouades n’est donc plus utilisée pour les datations judiciaires, qui reposent désormais sur le calcul de l’âge des larves.

Quels insectes sur un cadavre ?

Les espèces les plus courantes et les plus abondantes sont des mouches de la famille des Calliphoridae. Les femelles peuvent sentir un corps à des kilomètres de distances, et pénétrer dans les habitations. Chaque mouche femelle pond une grappe d’environ 200 œufs qui, à l’éclosion, vont donner naissance à des petits asticots. Malgré leur petite taille, ces œufs et jeunes larves sont relativement faciles à repérer : ils sont généralement regroupés au niveau de la face (yeux, narines, sourcils), du cuir chevelu, à l’interface avec le sol ou dans des zones humides et protégées (vêtements). Ces asticots se nourrissent des chairs durant plusieurs jours, puis s’éloignent du cadavre à la recherche d’un abri où se transformer en cocons (appelés pupes) à l’intérieur desquels les larves se métamorphosent en mouches adultes. Outre les Calliphoridae, on trouve également des mouches appartenant aux familles des Muscidae, Faniidae et Sarcophagidae, qui colonisent les cadavres un peu plus tardivement. La biologie de ces espèces leur permet de se développer et se reproduire sur un même cadavre durant plusieurs générations. Certaines espèces peuvent même s’immiscer jusque dans les endroits confinés comme les cercueils, où on les observe en abondance lors des exhumations.

Tout au long de la décomposition, on peut également trouver des coléoptères appartenant aux familles des Necrophoridae, Histeridae et Staphylinidae. Hormis certaines espèces courantes telles que Necrodes littoralis ou Creophilus maxilosus, ces insectes sont assez mal connus et apportent donc peux d’informations pour la datation du décès. Citons tout de même le cas des dermestes (littéralement « mangeurs de peaux »), de petits coléoptères qui se nourrissent de chairs desséchées. Les dermestes sont donc fréquents dans les zones avec un climat chaud et sec ainsi que sur les cadavres trouvés dans des habitations, où ils peuvent rapidement pulluler et conduire à une rapide squelettisation du corps. On retrouve alors une abondance de mues et de déjections, qui forment une sorte de terreau fibreux ( les « frass »). Ce type de traces peut permettre une estimation fiable du délai post-mortem, même plusieurs mois après la mort.

Enfin, il existe également une foule d’espèces opportunistes ou occasionnelles, qui profitent de la présence d’un cadavre dans leur environnement pour s’y nourrir ou chasser. On peut ainsi trouver des mites, guêpes, fourmis, araignées, bousiers et autres espèces plus ou moins accidentelles. Bien qu’il ne faille surtout pas les exclure a priori, ces espèces se révèlent souvent peu informatives. De fait, la vaste majorité des expertises en entomologie médico-légale repose sur l’analyse des larves de Diptères, et principalement des Calliphoridae.

Le rôle de l’expertise en entomologie

L’utilisation des insectes prévaut lorsque les techniques de datation médico-légale classiques ne sont plus efficaces, c’est-à-dire 48 à 72h après le décès. La première phase de l’expertise entomologique consiste à prélever les insectes présents sur et autour du corps, puis à les identifier. La réalisation de prélèvements doit être réalisée par une personne préalablement formée, et incombe le plus souvent aux techniciens de scène de crime (police scientifique) ou au médecin légiste. Des recommandations ont été publiées par l’European Association for Forensic Entomology (EAFE) et de nombreux ouvrages proposent des protocoles de prélèvement. Certains laboratoires ou équipementiers diffusent également des Kits contenant le matériel et un protocole. Voici quelques principes de base :

  • Les prélèvements doivent impérativement être effectués sur le site de découverte du corps. Il faut prélever tout insecte se trouvant sur le corps ou à proximité immédiate : larves, vers, coléoptères, mouches mortes, etc. Le but est d’avoir un échantillon représentatif. Il n’est pas nécessaire de capturer les mouches volant autour du cadavre. Compléter si besoin les prélèvements lors de l’examen de corps.
  • Penser à rechercher la présence de pupes (cocons), qui se trouvent généralement à distance du cadavre. Si le cadavre est en extérieur, prélever de la terre autour du corps (1-2m de distance, quelques centimètres de profondeur). Si le cadavre est en intérieur, chercher sous les objets situés dans la pièce, et vérifier dans les pièces voisines.
  • Placer les insectes vivants dans des flacons percés de petits orifices (attention à ce qu’ils ne puissent pas s’échapper). Fixer la moitié des prélèvements en les plongeant dans une solution de conservation (formol ou alcool) ou en les congelant. Noter sur chaque flacon la date et l’heure et décrire brièvement son contenu (e.g. « 2 larves » ou « 1 pupe vide »).
  • Placer le plus rapidement possible les prélèvements au frais et les acheminer pour expertise dans les meilleurs délais (ne pas dépasser quelques jours maximum). Noter l’historique thermique (e.g. « prélèvement le 25/07 à 16H, frigo 7°C à 17h, transport le 27/07 à 10h »).
  • Communiquer à l’expert en entomologie toute information qui ne figurerait pas sur le procès-verbal de découverte du cadavre ou l’album photographique.

Calculer l’âge des larves colonisant les corps

Le principe de base de l’expertise en entomologie est de calculer l’âge des larves ou des pupes afin de déterminer le moment de leur ponte. S’agissant d’insectes nécrophages, leur arrivée indique que la victime était déjà décédée. Imaginons la découverte d’un cadavre le 28 mai : si des insectes nécrophages âgés de 10 jours sont retrouvés sur le corps, c’est que la victime était déjà morte 10 jours avant la découverte du corps, c’est-à-dire le 18 mai. C’est ce qu’on appelle un délai post-mortem minimum.

Pour calculer l’âge des larves, il faut identifier l’espèce et connaître la température. La méthode la plus couramment utilisée est appelée degrés-jours : pour comprendre son fonctionnement, le plus simple est d’utiliser un exemple. Imaginons que l’espèce découverte sur le corps a une température seuil, notée Ts, de 10°C. Cette valeur Ts peut être vue comme un prélèvement forfaitaire obligatoire : seuls les degrés au-dessus de ce seuil sont conservés par la larve pour son développement. Ainsi, à une température constante de 20°C, chaque jour apporte à cette espèce 20°C-Ts = 10 degrés utiles à son développement. Si la température est de 30°C, la larve récupère alors 30-Ts=20°C de développement. L’objectif à atteindre est quant à lui noté ADD (pour Accumulated Degree Days). Dans notre exemple, postulons qu’il faille 150 ADD pour qu’un oeuf de cette espèce se transforme en mouche. A une température constante de 20°C, chaque jour apporte 10 degrés et il faudra donc 15 jours pour accumuler 150 ADD et obtenir une mouche. On raisonne de la même manière lorsque la température varie : une première journée à 20°C suivie d’une journée à 30°C apporteront 10 + 20 degrés-jours à notre larve.

Cette méthode à l’avantage d’être très simple et de fonctionner dans les deux sens : on peut observer une larve et savoir quand elle deviendra adulte, mais aussi partir de l’adulte pour savoir durant combien de temps sa larve s’est développée. C’est ce que l’on fait lors d’une expertise : on identifie les larves présentes sur le cadavre, on reconstitue la température qu’il faisait et on détermine ainsi depuis combien de temps ces larves se développent sur le cadavre (le délai post-mortem minimum).

Comment estimer le délai de colonisation ?

Le calcul du délai post-mortem minimum n’est généralement pas suffisant. Reprenons notre exemple précédent : dans un cas où la victime serait portée disparue depuis décembre, affirmer qu’elle était déjà morte 10 jours avant la découverte du corps, c’est-à-dire le 18 mai, ne serait pas d’une grande aide. Le travail de l’entomologiste consiste donc non seulement à déterminer l’âge des larves, mais aussi à estimer le délai écoulé entre la mort et l’arrivée de ces insectes. Lorsque des larves de Diptères Calliphoridae en cours de développement sont retrouvées, leur interprétation est relativement simple : en conditions favorable, ces mouches pondent très rapidement après la mort. La date des premières pontes peut alors être considérée comme concomitante avec le décès.

En revanche, lorsque les conditions de colonisation ne sont pas optimales (mauvaises conditions météo, corps dans un intérieur fermé) ou dans le cas d’espèces dites tardives, il est plus délicat, voire impossible, de calculer le temps écoulé entre la mort et les pontes. La datation est donc limitée à un délai post-mortem minimum, accompagnée lorsque cela est possible d’une estimation qualitative du délai de colonisation.

Autres apports et limites de l’entomologie médico-légale

Outre la datation du décès, l’étude de l’entomofaune d’un cadavre peut éclairer sur des évènements survenus péri ou post-mortem. L’absence sur un corps d’un ensemble d’espèces très communes peut indiquer une inaccessibilité temporaire du cadavre. Il peut s’agir d’un confinement (e.g. séquestration du corps dans une pièce fermée), de la présence d’un « emballage », mais également de mauvaises conditions climatiques. A l’inverse, il est fréquemment mentionné que la présence de certaines espèces serait révélatrice du déplacement d’un cadavre. Cette idée est peu réaliste : les principales espèces nécrophages se rencontrent partout en Europe centrale, et dans presque tous les milieux. Il est donc exceptionnel de découvrir une espèce indicatrice d’une localisation spécifique. Notons cependant deux cas particuliers : les corps inhumés, généralement très peu colonisés, et les corps immergés, auxquels une faune spécifique est associée. Enfin, les insectes nécrophages peuvent parfois coloniser des plaies nécrosées de personnes vivantes : on parle alors de myiases. Dans de tels cas, l’analyse des larves peut permettre de dater les derniers soins et de démontrer d’éventuelles négligences / maltraitances envers une personne dépendante.

Quelques références :

  • Amendt J, Campobasso CP, Gaudry E, Reiter C, LeBlanc HN, Hall M. 2007 Best practice in forensic entomology—standards and guidelines. International Journal of Legal Medicine 121, 90–104.
  • Beauthier J-P. 2022 Traité de médecine légale et criminalistique. 3e édition. Louvain-la-Neuve: De Boeck Supérieur.
  • Byrd JH, Tomberlin JK, editors. 2019 Forensic Entomology: The Utility of Arthropods in Legal Investigations. 3rd edn. Boca Raton: CRC Press.
  • Charabidze D. 2021 Ils peuplent les morts: approche entomologique médico-légale. Lyon: Fage éditions.
  • Charabidze D, Gosselin M, Collectif, Beauthier J-P. Insectes, Cadavres Scènes de Crime Principes et Applications de l’Entomologie Medico-Legale. Louvain-la-Neuve: De Boeck; 2014. 261 p.
  • Erzinçlioglu Z. Blowflies. Slough: The Richmond Publishing Co. Ltd; 1996. (Naturalist’s Handbooks; vol. 23).
  • Marchenko MI. Medicolegal relevance of cadaver entomofauna for the determination of the time of death. Forensic Science International. 15 août 2001;120(1–2):89‑109.
  • Smith KGV. 1986 A manual of forensic entomology. London: Trustees of the British Museum (Natural history).
Intelligence artificielle lutte contre le crime

Intelligence artificielle : Un algorithme anti-criminalité

Et si la police pouvait connaître à l’avance le lieu d’un crime? Une possibilité bien réelle avec ce nouvel outil de l’intelligence artificielle mis au point par une équipe de chercheurs américains.

2054 à Washington DC : des humains mutants prédisent les crimes et permettent d’en arrêter les futurs auteurs grâce à leur don de précognition. Tel est le « pitch »du film Minority report sorti en 2002 et qui oscille en permanence entre l’utopie et le cauchemar absolu d’une société sous contrôle.

2022 à Chicago : Ishanu Chattopadhyay et son équipe de chercheurs ont créé un algorithme capable de prédire une semaine à l’avance le niveau de criminalité qui pourrait se développer dans une zone précise. Avec des résultats fiables à près de 90%!

L’Intelligence artificielle, nouveau prophète?

Pour arriver à ce taux de précision absolument stupéfiant, la zone urbaine a d’abord été divisée en carrés de 300 mètres de côté. Les chercheurs ont ensuite fait travaillé leur algorithme sur les données concernant la criminalité de la ville de 2014 à 2016 et ce dernier a prévu avec succès le niveau de criminalité pour les semaines suivantes. Ces performances se sont répétées dans les sept autres grandes villes des Etats Unis qui ont été étudiées.

Face à ce niveau de résultats, la question qui se pose désormais est l’utilisation qui doit être faite de ce type de modélisation. Elle pourrait devenir un auxiliaire de prévention pour garantir la sécurité des biens et des personnes, mais ne pourrait-elle pas également devenir un outil de contrôle implacable, en pointant notamment certaines populations?

C’est la principale critique faite aux Etats Unis où un précédent algorithme a déjà été testé par la police de Chicago. Conçu pour repérer les personnes les plus à risque d’être impliquées dans une fusillade, il a dressé une liste qui comprenait 56% d’afro-américains entre 20 et 29 ans, créant selon certains un véritable risque de discrimination raciale…

Focus sur un lieu et non sur un suspect.

Pour le chercheur Ishanu Chattopadhyay, son algorithme présente toutefois une différence essentielle : ses prédictions ne concernent que des lieux et non pas d’éventuels suspects. Leur exploitation pourraient donc contribuer à mettre en place une véritable politique sécuritaire dans certaines régions qui irait bien au-delà de l’aide apportée aux policiers sur le terrain.

Les études de cette équipe de Chicago ont par ailleurs mis en évidence que le nombre d’arrestations étaient plus élevé dans les quartiers les plus riches, signe d’une activité policière plus importante. De là à y voir une autre forme de discrimination…