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Gendarmes français en Ukraine : leur mission, l’identification des victimes

L’Ukraine et de nombreuses ONG construisent un dossier pour traduire la Russie devant la Cour pénale internationale pour crimes de guerre. Le 11 avril 2022, une équipe de 18 gendarmes de l’Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale (IRCGN) s’est rendu en Ukraine afin d’assister leurs homologues dans la difficile mission d’identification des victimes de catastrophes. L’AFP a pu échanger avec le Général de Division Patrick TOURON commandant du Pôle Judiciaire de la Gendarmerie Nationale.

Les gendarmes français dépêchés lundi en Ukraine ont pour mission première d’identifier les victimes et de déterminer les causes de leur mort, a expliqué lundi à l’AFP le général Patrick Touron, commandant du pôle judiciaire de la gendarmerie. “Cette équipe de dix-huit gendarmes de l’Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale (IRCGN) est essentiellement composée de spécialistes de
l’identification, renforcés de deux balisticiens et d’un spécialiste en explosifs”, a détaillé le général.
Leur mission a une durée “indéterminée”, mais des relèves sont d’ores et déjà prévues. “Dès mardi, ils seront à Kiev, lieu de leur mission pour l’instant”, a poursuivi le général.

L’IRCGN est une des seules structures techniques en Europe capable de se projeter

en deux heures sur un théâtre d’opérations

Général de Division Patrick TOURON

Ils y seront “encadrés par les forces de sécurité ukrainiennes” et travailleront avec leurs homologues ukrainiens. “L’IRCGN est une des seules structures techniques en Europe capable de se projeter en deux heures sur un théâtre d’opérations”, qu’il s’agisse d’un théâtre de guerre (au Mali, notamment) ou d’une catastrophe naturelle (tsunami de décembre 2004), a fait valoir le général Touron. Outre le laboratoire mobile destiné aux analyses ADN, l’équipe est partie avec sept véhicules, dont un camion transportant douze “chambres mortuaires à froid” pour conserver les corps autopsiés. Elle est totalement autonome car dotée de moyens lui permettant d’être fournie en électricité notamment.

Nous sommes là-bas pour les victimes, pour aider les familles à trouver leurs

proches, examiner les corps pour déterminer les causes de la mort

a insisté le
Général, en soulignant qu’il s’agissait une coopération entre la France et l’Ukraine

Par la suite, a-t-il dit, “une structure internationale sera mise en place à mesure que d’autres pays enverront sur place des équipes” pour participer aux identifications et à l’enquête de la Cour pénale internationale (CPI) sur les “crimes de guerre” commis en Ukraine. Dimanche, la justice ukrainienne a affirmé que 1.222 personnes avaient été tuées dans la région de Kiev depuis le début de l’invasion, sans préciser s’il s’agissait uniquement de civils. Les images de vingt cadavres vêtus de vêtements civils dans une rue à Boutcha, dans le nord-ouest de Kiev, ont fait le tour du monde. Les autorités ukrainiennes ont dénoncé un “crime de guerre” de l’armée russe, que Moscou a aussitôt démenti. Vendredi, le président Emmanuel Macron avait affirmé que la France était en train de “rassembler les preuves” contre “des crimes de guerre des Russes” en Ukraine et avait annoncé l’envoi de gendarmes et magistrats français dans le pays.

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Traquer l’invisible grâce à l’ADN environnemental

L’ADN est partout, dans l’eau, la terre et même dans l’air! Et les scientifiques disposent désormais de méthodes d’analyse capables de capter et de séquencer cet ADN environnemental.

Grâce à des progrès importants au niveau de la PCR (Polymerase Chain Reaction) et du séquençage, la technique de l’ADNe ou ADN environnemental a désormais le vent en poupe. Dernière prouesse en date dans un domaine qui repousse sans cesse les limites: la captation et le séquençage de l’ADN présent dans l’atmosphère. 

L’ADN environnemental : une technique fiable et non invasive.

Le principe de l’ADNe repose sur la capacité qu’ont tous les êtres vivants, à laisser sur leur passage des fragments d’ADN provenant de l’urine, des fèces, des poils, des écailles, des sécrétions…Ceux-ci se retrouvent ensuite dans l’environnement :  l’océan, l’eau d’un lac ou d’une rivière, le sol, les sédiments et comme l’ont démontré deux études réalisées dans des parcs zoologiques, dans l’air ambiant. Ces traces constituent une source d’informations précieuses pour identifier la présence ou le passage de certaines espèces, de l’infiniment petit comme les bactéries ou les virus aux espèces particulièrement discrètes ou rares qu’il est difficile, voire impossible, de répertorier avec les méthodes classiques. L’autre intérêt et non le moindre de la technique de l’ADNe, c’est le fait qu’elle soit non-invasive. Il suffit en effet de prélever une petite quantité du milieu dans lequel  évoluent les espèces que l’on souhaite étudier sans avoir à intervenir sur les individus eux-mêmes. 

De la simple trace au barcoding.

Une fois prélevés, les échantillons d’eau ou de terre sont envoyés en laboratoire pour analyse.  Le protocole, qui comporte pas moins de quatre étapes, exige la plus grande rigueur de la part des scientifiques afin d’éviter les risques de contamination. 

La première étape consiste à isoler les molécules d’ADN grâce à des méthodes de biologie moléculaire (par précipitation et centrifugation) désormais bien maîtrisées et largement automatisées, ce qui a permis d’en faire baisser le coût. Dans un deuxième temps, cet ADN est amplifié par PCR afin d’en obtenir des quantités suffisantes pour pouvoir le séquencer.

Le séquençage ADN permet de déterminer la séquence ADN correspondant à une espèce, c’est à dire le fragment de nucléotides qui la caractérise et la différencie des autres. Ces séquences sont ensuite répertoriées dans des bases de données internationales selon le concept du barcoding moléculaire inventé en 2003 par Paul Hebert, zoologiste et écologue canadien. Classés sous la forme de code-barres et intégrés dans un système informatisé, les fragments d’ADN peuvent être ainsi facilement comparés et identifiés en un temps record. 

Un  vaste champ d’application.

En quelques années, la technique de l’ADN environnemental est devenu un outil particulièrement apprécié des chercheurs pour l’étude de la biodiversité. Grâce à l’analyse des prélèvements, il est en effet possible d’identifier et de quantifier les êtres vivants présents dans les milieux naturels, de suivre les espèces rares ou en danger ou au contraire de surveiller l’émergence d’espèces exotiques envahissantes susceptibles de déséquilibrer l’environnement. Plus étonnant encore, l’analyse d’un simple échantillon de miel est capable de recenser toutes les espèces végétales butinées par les abeilles alors que l’ADN piégé dans quelques grammes de sédiments permet de remonter le temps, révélant quelles espèces peuplaient certains territoires il y a des milliers d’années. 

Enfin, tout récemment, cette technique a apporté une contribution significative à la lutte contre la pandémie de Covid 19. Dans ce cas, c’est l’ARN viral qui a été traqué dans les eaux usées, permettant de quantifier la présence du virus et par conséquent de mieux anticiper l’évolution de l’épidémie. A l’avenir, cet outil pourrait également servir à repérer en amont l’apparition de nouveaux variants.  En attendant de nouvelles applications, toutes aussi fascinantes, dans bien d’autres domaines. 

Sources :

https://planet-vie.ens.fr/thematiques/ecologie/l-adn-environnemental-un-nouvel-outil-pour-espionner-les-especes-sauvages
https://www.ofb.gouv.fr/actualites/ladn-environnemental
https://www.notre-planete.info/actualites/4354-ADN-environnemental-biodiversite
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2022/03/16/detecter-l-arn-environnemental-pour-suivre-l-epidemie-de-covid-19_6117759_1650684.html
https://www.encyclopedie-environnement.org/vivant/metabarcoding-codes-barres-adn-caracteriser-biodiversite/

La preuve absolue n’existe pas

Ce chemin qui remonte de l’acte criminel à son auteur est ce qu’on appelle la preuve. Elle est – à des titres divers – la préoccupation quotidienne des enquêteurs, des organes de poursuite et des juges. Sa nature essentiellement rétrospective en fait la difficulté, l’imprévisibilité, l’incertitude. On ne remonte pas le temps comme ça. Des années de cours d’assises m’ont enseigné que le chemin qui sépare la preuve la plus spectaculaire d’une déclaration de culpabilité est mystérieux : on croit la tenir, elle s’échappe, elle semble obscure, elle s’impose. « Toi qui pénètres ici, méfie-toi : la preuve absolue n’existe pas » pourrait être l’avertissement gravé au fronton des laboratoires de criminalistique. Et pour cause.

Quand c’est trop beau pour être vrai 

Il venait de tuer le vieil amant qui avait refusé de céder à ses exigences financières quand, pris de remord, il avait alerté la police pour qu’on tente de lui prodiguer les soins qui, pensait-il, pourrait le sauver. Sans révéler son nom, il avait pris la fuite avant l’arrivée des secours. Arrêté peu après et confronté à l’enregistrement de son message, il avait reconnu les faits mais une partie de la procédure qui contenait ses aveux fut annulée. A la reprise de l’instruction, il avait décidé de changer son système de défense et de nier les faits, position qu’il avait maintenue jusqu’à son procès. Le président décida de lui laisser longtemps la parole au cours de son interrogatoire de personnalité pour que chacun puisse se familiariser avec le son de sa voix. Vint alors le moment de l’examen des faits et la diffusion de son message enregistré par les services de police.

Lors de la suspension qui est un moment de détente et d’échanges informels, tous les juges et jurés avaient parfaitement reconnu la voix de l’accusé. L’affaire était pliée. Sauf que…

Sauf qu’à la reprise, et pour enfoncer le clou, le ministère public avait sollicité la rediffusion du message accablant, ce qui fut fait. Vint la suspension suivante qui vit l’un des jurés pris d’un doute. A la requête de la partie civile, on rediffusa le message, mais à la coupure d’après, ils étaient trois à s’interroger.
Autant dire que sollicité une dernière fois d’ordonner la rediffusion du message enregistré, le président, instruit par l’expérience, s’en garda bien. L’accusé dont seuls les professionnels avaient connaissance des aveux rétractés, aurait probablement été acquitté si l’on s’était éternisé à rediffuser son appel.

Plus une preuve semble définitive, plus on doit s’en méfier


Sa coupe de cheveux très particulière à l’époque, était reconnaissable entre mille : rasé tout autour de la tête, ne laissant apparaître qu’une brosse ovale de cheveux noirs et drus sur le front haut, mince et élancé, aucun de ces détails n’échappa à la vidéosurveillance du parking sous-terrain dans lequel il avait pénétré à visage découvert pour commettre son forfait. Il fut acquitté.

Quelle plus belle preuve que de voir la victime désigner elle-même son tueur avec son propre sang, qui plus est, en commettant une faute d’orthographe dont elle était coutumière ?! La condamnation de l’accusé ne fit pourtant pas obstacle au mouvement qui, invoquant une erreur judiciaire, aboutit à la grâce du condamné.

Combien de chances avez-vous de vous tromper dans l’identification de cette empreinte génétique, demande-t-on fréquemment à l’expert ? Une sur un milliard, environ, répond-il. Jusqu’au jour où l’on s’aperçoit, ce qui est arrivé sous mes yeux, qu’une erreur matérielle contenue dans l’expertise dictée à la va-vite, avait faussement désigné l’accusé.

Les exemples de la sorte abondent et l’on pourrait en tirer une première leçon : plus une preuve semble définitive, plus on doit s’en méfier.

Progresser encore et encore

Tout ceci ne saurait dissuader les techniciens et experts de chercher en permanence à perfectionner les techniques de recherche et il faut bien reconnaître que depuis la découverte de la dactyloscopie, le chemin parcouru qui a permis d’identifier les criminels ou de mettre hors de cause les suspects est impressionnant.

La recherche scientifique est permanente et on ne soupçonne probablement pas quels progrès futurs vont encore éclairer la vérité.

Mais aussi loin que l’on puisse progresser, il est une solution de continuité qui séparera toujours l’administration de la preuve de la déclaration de culpabilité et engendrera parfois la frustration du meilleur limier, c’est celle du travail de la raison.

Sans reprendre in extenso la déclaration qu’adresse aux jurés le président de la cour d’assises à la fin des débats, avant que la cour se rende dans la chambre des délibérations, il convient toutefois d’en citer ce passage contenu dans le plus bel article du code pénal, l’article 353 qui postule la liberté de la preuve et l’intime conviction : « …la loi…prescrit [aux juges]…de chercher…quelle impression ont faites sur leur raison les preuves rapportées contre l’accusé et les moyens de sa défense… ». Aussi parfaite que soit la preuve, sa démonstration exigera donc toujours un travail de la raison sans lequel aucune décision de culpabilité ne peut être prononcée. Or, il n’est rien de plus incertain que la raison, même si la collégialité en atténue fortement l’aléa.


Les difficultés d’un délibéré 

Il est, par exemple, particulièrement difficile de se prononcer sur l’intention homicide. Que signifie : donner volontairement la mort ? Doit-on sonder la pensée exacte de l’accusé au moment précis d’un acte auquel il ne pensait peut-être pas l’instant d’avant et qu’il va regretter aussitôt son forfait commis ? Voulait-il vraiment donner la mort ? C’est, à l’évidence impossible. Il va donc falloir déterminer si la mort est la conséquence matérielle logiquement prévisible d’un acte commis par une personne consciente et lucide.

De même les traces d’ADN désignant un accusé sur les sous-vêtements de la plaignante d’un viol, aussi catégoriques soient-elles, ne dispenseront jamais d’une interrogation sur le consentement, ni les traces de défense constatées sur les poignets de celle-ci, sur les origines et circonstances de la lutte.

Sans oublier et c’est peut-être l’essentiel, qu’un procès – où le doute profite à l’accusé – est l’exercice singulier qui commande aux juges de déterminer ce dont ils sont sûrs, d’agissant de faits auxquels ils n’ont pas assisté.

Toujours les fondamentaux 

Les enquêteurs et experts n’ignorent rien de tout cela, bien sûr. Mais à cette démarche rétrospective qui est leur lot, va en succéder une autre, prospective cette fois, qui est précisément la mission de cette interface qu’est le parquet et qui consiste à évaluer, avec toutes les précautions possibles vu l’incertitude qui caractérise la démarche des juges, et à garantir la qualité de la preuve que l’autorité de poursuite va leur soumettre.

Dans cette chaîne procédurale incertaine et, à vrai dire, assez vertigineuse qui, partant de la constatation du drame, doit conduire avec suffisamment de certitude à l’identification du criminel et à la répression du crime, il convient que chacun ait une pleine conscience du rôle qui est le sien et de la place qu’il occupe.