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bite marks on victim - morsure

Les traces de morsure, des preuves fiables?

Si l’analyse dentaire fait désormais partie des techniques d’identification médico-légales reconnues, celle des traces de morsure semble aujourd’hui remise en question, faute d’un fondement scientifique suffisant.

Au même titre que l’ADN ou les empreintes digitales, les dents ainsi que les mâchoires constituent une sorte de carte d’identité unique et propre à chaque individu. Cette constatation a donné naissance à une branche de la médecine légale, l’odontologie médico-légale qui va trouver l’une de ses premières applications en 1897, lors de l’incendie du Bazar de la Charité. Face à des cadavres entièrement calcinés et méconnaissables, les autorités ont eu l’idée de faire appel aux dentistes des victimes.

Quand les dents laissent leurs marques

Depuis, ce processus d’identification est utilisé à chaque fois que l’on doit identifier des restes humains, individuellement ou lors de catastrophes de masse et ce, quelles que soient les circonstances du décès. La structure des dents résiste en effet à pratiquement tous les facteurs de destruction tels que l’enfouissement, la crémation, l’immersion ou encore les attaques physico-chimiques.

En l’absence de toute autre donnée, l’étude faite par l’expert odontologiste sur les dents, leurs pathologie et les signes d’usure notamment, peut donner des informations sur le sexe, l’âge, l’ethnie, les habitudes alimentaires, et par comparaison avec un dossier dentaire “ante mortem”, identifier formellement un individu.

Une autre partie de l’odontologie médico-légale consiste à interpréter les traces de morsure laissées sur une victime, vivante ou décédée mais également sur un agresseur ou sur certains objets. L’analyse que les experts effectuent désormais à l’aide de technologies numériques comme le laser-scanner 3D, peut conduire à l’identification ou a contrario à l’exclusion d’un potentiel agresseur. Toutefois, dans la mesure où il n’existe aucune automatisation des méthodes et que cette interprétation doit tenir compte de nombreux facteurs en dehors des dents, certains spécialistes considèrent que cette technique médico-légale manque de fondement scientifique et ne peut pas constituer une preuve formelle.

Une fiabilité remise en question

La polémique, qui a débuté aux Etats Unis en 2009 avec une étude réalisée par les Académies nationales des sciences, d’ingénierie et de médecine, vient de rebondir ces dernières semaines avec un projet de rapport émis par le National Institute of Standards and Technology (NIST) qui remet en question la rigueur scientifique de ces analyses.

Le NIST souligne que l’interprétation des traces laissées par les morsure est basée sur deux postulats de départ : le premier étant que les marques de dents sont uniques, le second que ces morsures sont parfaitement préservées quel que soit le support. Or, elles ne font intervenir qu’une partie de la dentition des dents (essentiellement celles du devant). De plus, la peau humaine, le plus souvent porteuse de ces marques, est par définition un tissu malléable, susceptible de les modifier en fonction de son élasticité, des mouvements de la victime, des ecchymoses qui peuvent survenir et du degré de cicatrisation in situ. Tous ces facteurs, selon certains spécialistes, affaiblissent la possibilité d’une comparaison suffisamment fiable pour incriminer un suspect.

Le rapport de cette agence fédérale américaine est encore loin d’être finalisée mais ses premiers éléments suscitent déjà de nombreuses réactions dans les milieux scientifiques comme dans certains organismes oeuvrant pour démontrer l’innocence de personnes condamnées par erreur. C’est notamment le cas de l’organisation Innocence Project établie aux Etats Unis, qui rappelle que 26 personnes ont été condamnées à tort sur la base de traces de morsure. Ce qui présage de nombreuses batailles juridiques à venir.

Sources

https://www.scientifique-en-chef.gouv.qc.ca/impacts/ddr-medecine-legale-les-marques-de-dents-une-science-exacte/

https://reason.com/2022/10/19/federal-report-adds-to-the-evidence-that-bitemark-analysis-is-nonsense/

https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/pjgn/ircgn/l-expertise-decodee/identification/les-dents-aussi-discriminantes-que-l-adn

https://hal.univ-lorraine.fr/hal-01947165

https://innocenceproject.org/what-is-bite-mark-evidence-forensic-science/