Monthly Archives: mars 2022

Reconnaissance faciale guerre en ukraine forenseek

Reconnaissance faciale : une technologie à double tranchant

Les zones de conflit sont souvent l’occasion de tester et d’utiliser des nouvelles technologies. C’est le cas de la reconnaissance faciale qui va être utilisée par l’Ukraine à des fins d’identification. Pour le meilleur ou pour le pire ?

Dans son roman 1984, George Orwell avait imaginé le personnage “Big Brother” dont l’oeil surveille en permanence la population. En 2022, Big Brother a pris la forme de la reconnaissance faciale qui s’installe peu à peu dans nos sociétés même si elle n’a pas toujours bonne presse.

Dans le cadre de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, cette technologie mise à la disposition des autorités ukrainiennes par la Start-up Clearview AI, a pour but d’identifier les réfugiés qui se présentent aux points de contrôle ainsi que les personnes décédées dans les combats mais également de débusquer les agents russes qui essaieraient de s’infiltrer. Le moteur de recherche de Clearview AI dispose pour cela d’une base de données de plus de dix milliards de photos, alimentée notamment par les réseaux sociaux.

Entre biométrie et Intelligence Artificielle.

La reconnaissance faciale permet d’analyser les différentes caractéristiques d’un visage en associant plusieurs technologies : la biométrie, l’Intelligence Artificielle et la cartographie 2D ou 3D. En pratique, il suffit d’isoler le visage d’un individu à partir d’une photo ou d’une vidéo puis d’en analyser les spécificités (distance entre les yeux, taille et position des oreilles, forme des lèvres…). Les logiciels de reconnaissance faciale peuvent analyser jusqu’à 80 de ces caractéristiques, encore appelées points nodaux. Ces données sont ensuite utilisées pour créer un code numérique ou empreinte faciale qui est propre à chaque individu comme le sont les empreintes digitales. Cette empreinte peut alors être comparée à une base de données renfermant des millions d’autres visages cartographiés de la même manière. Grâce à un réseau de neurones artificiels qui s’inspire du cerveau, le Deep learning (que l’on peut traduire par “apprentissage profond”), les algorythmes de la machine ont appris à reconnaître les visages humains et peuvent à priori faire coïncider sans erreur l’empreinte proposée avec la photo correspondante.

Un outil d’exception en matière de sécurité.

Même si on ne le sait pas toujours, l’usage de la reconnaissance faciale gagne du terrain. Elle est en effet de plus en plus utilisée par les autorités, en particulier pour la surveillance dans les aéroports et aux frontières.

Aux États-Unis où aucune loi ne régit la collecte et le stockage des données personnelles, le FBI dispose déjà d’une base de 650 millions de photos collectées dans les aéroports et les réseaux sociaux. Dans de nombreuses villes américaines, les forces de l’ordre sont également équipées de caméras corporelles qui permettent la reconnaissance faciale en temps réel. Il leur suffit de prendre en photo un conducteur ou tout individu suspect et d’interroger les bases de données à leur disposition pour savoir si celui-ci est fiché.

La police française dispose quant à elle d’un fichier intégrant la reconnaissance faciale appelé TAJ (Traitement des Antécédents Judiciaires). Il regroupe les informations provenant des rapports d’enquêtes et d’interventions et renferme à ce jour plus de 8 millions de photos. Sa consultation est encadrée juridiquement et doit être limitée aux enquêtes pour crimes et délits ainsi qu’à la recherche de personnes disparues. Le système de reconnaissance faciale PARAFE est par ailleurs déployé dans quelques gares et aéroports particulièrement sensibles.

Cette technologie représente sans aucun doute un outil intéressant pour la sécurisation des grands événements, la recherche de fugitifs ou l’identification d’individus dangereux. La France reste toutefois très prudente quant à son utilisation. Si la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) a autorisé en 2019 la ville de Nice à une expérimentation pendant son Carnaval, les organisateurs des Jeux Olympiques 2024 semblent en revanche avoir définitivement écarté cette solution pour en garantir la sécurité.

La vie privée sous surveillance ?

Une prudence qui n’a rien d’une lubie. Car au-delà des difficultés évidentes à en contrôler l’usage et les abus éventuels dans les zones de guerre, la reconnaissance faciale pose d’emblée une question essentielle : comment protéger sa vie privée et ses données personnelles si l’on risque sans le savoir d’avoir son visage intégré dans ce type de logiciel ?

En effet, de nombreuses entreprises et plateformes internet ont déjà intégré un système de reconnaissance faciale dans leur technologie. C’est le cas d’Apple qui le propose pour déverrouiller leurs smartphones mais aussi de Twitter, Facebook, Google…. Ce qui a déjà permis à la Société Clearview AI, celle-là même qui vient d’équiper les ukrainiens, d’aspirer plusieurs milliards de photos, vidéos et données personnelles. Avec des conséquences qu’il est encore difficile de mesurer.

Sources :

https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/l-ukraine-utilisera-la-technologie-decriee-de-reconnaissance-faciale-clearview-ai-n178367.html

https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees

https://blog.digitalcook.fr/reconnaissance-faciale/#:~:text=La%20reconnaissance%20faciale%20est%20un%20algorithme%20logiciel%20utilis%C3%A9,lesquelles%20le%20visage%20de%20la%20personne%20est%20visible.

Expertise en résidus de tir en Police Scientifique

L’expertise en résidus de tir – À la recherche de microparticules pour confondre un suspect

Lorsqu’un tir par arme à feu se produit, un nuage de résidus de tir va se former et s’échapper de l’arme par les différents orifices. Les particules produites, de l’ordre du millième de millimètre et de forme globulaire, vont se déposer sur les mains et les vêtements du tireur, mais également sur tout objet/personne présent aux alentours.

Prélèvement de résidus de tir

C’est à ce titre que l’expertise en résidus de tir trouve sa principale application, à savoir confondre un individu suspecté d’avoir tiré, voire d’avoir été présent à proximité du tir, et pour lequel on retrouve des particules pouvant être attribuées à des résidus de tir.

Analyse des résidus de tir par la Police scientifique - Forenseek
Photographies en microscopie électronique à fort grossissement de particules de résidus de tir. L’aspect globulaire est bien visible.

Ainsi lorsqu’un tireur présumé est appréhendé, des prélèvements sur sa personne sont effectués au moyen d’un kit, constitué de plusieurs tamponnoirs munis de faces collantes. Ces faces collantes vont être appliquées sur les mains et visage du suspect afin d’y récolter un maximum de particules microscopiques. Ses vêtements peuvent également être saisis pour être prélevés à leur tour, de même que des objets présents dans l’environnement des tirs (comme un véhicule utilisé pour la fuite par exemple).

Prélèvement par tamponnoir de résidus de tir sur la main d'un suspect - Analyse Police scientifique - Forenseek
Illustration d’un prélèvement effectué sur la main gauche d’un individu – Crédits : Forenseek

Analyse des résidus de tir

Les résidus de tir sont alors recherchés sur ces prélèvements à l’aide de puissants microscopes électroniques couplés à des microanalyseurs X, seuls instruments capables à la fois de visualiser des microparticules tout en permettant de déterminer leur composition chimique élémentaire. Cette recherche est fastidieuse car elle peut s’apparenter, toute proportion gardée, à la recherche de confettis éparpillés aléatoirement sur un terrain de football, mais dont l’herbe n’aurait plus été coupée depuis des semaines ! Ainsi le développement de cette technique de recherche et d’analyse n’a pu se faire qu’au prix d’une automatisation quasi complète du processus. La principale tâche du microscopiste consiste donc à contrôler les résultats obtenus afin de s’assurer de l’attribution correcte à la classe des résidus de tir des différentes particules identifiées par l’analyse automatique.

Analyse criminalistique d'un tamponnoir de résidus de tir par microscope électronique à balayage - Analyse Police scientifique - Forenseek
Analyse d’un tamponnoir à l’aide d’un microscope électronique à balayage couplé à une microanalyse X – Crédits : ThermoFisher scientific

L’interprétation des résultats

En routine, la recherche se focalise sur les particules riches à la fois en plomb, baryum et antimoine. La littérature scientifique rapporte en effet que les particules contenant simultanément ces trois éléments chimiques ne peuvent provenir que d’un incident de tir. Parfois, des références balistiques sont également analysées, pour mieux caractériser le type de particule à rechercher ; le cas idéal étant d’analyser les particules produites lors d’un tir de référence réalisé au laboratoire avec l’arme et les munitions litigieuses ; des prélèvements effectués sur les mains du tireur de référence sont alors analysés, pour établir les types de résidus de tir à rechercher sur les prélèvements relatifs au suspect.

Le rapport d’expertise reprendra le nombre de particules d’intérêt retrouvées sur les prélèvements ainsi qu’une interprétation de ces résultats en fonction du contexte et des conditions de prélèvements. En effet la persistance des résidus de tir est un problème rencontré fréquemment : ces particules sont stables dans le temps et ne vont pas s’évaporer, mais à l’instar de la farine sur les mains du boulanger, toute action que le tireur aura après le tir (comme se laver et s’essuyer les mains) aura pour effet de diminuer voire d’éliminer la présence de résidus de tir sur ses mains. Se pose alors la question d’analyser ses vêtements, pour lesquels la persistance des résidus de tir est généralement meilleure. A l’inverse, détecter qu’un individu est contaminé en résidus de tir n’implique pas nécessairement qu’il a tiré.

Des études ont en effet montré qu’une personne proche du tireur peut, dans certaines circonstances, être plus contaminée que le tireur lui-même ; une personne qui entre dans une pièce, dix minutes après où un tir est survenu peut également se faire contaminer par le nuage de poudre en déposition. Ainsi et de manière générale, l’interprétation des résultats devra tenir compte de ces éléments circonstanciels pour donner un avis éclairé sur la présence éventuelle et les quantités de résidus de tir sur les prélèvements relatifs à un suspect. Il reste que malgré les éventuelles difficultés d’interprétation, on arrive souvent à des résultats exploitables qui permettent d’aider le magistrat à progresser dans son dossier. A ce titre, une étude a récemment été réalisée en Belgique pour mesurer l’impact des expertises en résidus de tir sur les décisions judiciaires. Cette étude, en cours de finalisation, fera l’objet d’un prochain article.

Chimérisme : un homme et deux ADN

Le chimérisme a depuis longtemps quitté le domaine de la mythologie pour celui de la science. Et il est plus que jamais une réalité humaine par le biais notamment des greffes d’organes ou de moelle osseuse. Un Être humain, un ADN, telle était la réalité qui s’imposait aux scientifiques depuis des siècles. Avec les progrès de la recherche médicale, voilà ce principe essentiel totalement bouleversé, comme l’illustre le cas de Chris Long.

Quand l’ADN brouille les pistes.

Cet américain atteint d’une leucémie myéloïde aigüe, avait reçu une greffe de moelle osseuse provenant d’un donneur européen inconnu. Cette procédure permet aux cellules hématopoïéiques (ou cellules sanguines) du donneur de remplacer les cellules sanguines non fonctionnelles du receveur. Rien d’étonnant, donc, de retrouver un ADN étranger dans le sang de la personne greffée !

Dans l’affaire Chris Long, toutefois, La surprise est totale quand les analyses effectuées quatre ans après la greffe, mettent en évidence que son liquide séminal contient uniquement l’ADN du donneur, en l’occurence celui d’un jeune allemand. D’autres parties de son corps comme les joues, la langue et les lèvres renferment les deux ADN alors que ses cheveux ne contiennent que son propre ADN. Les spécialistes se trouvent face à un cas de chimérisme, un terme qui désigne une personne porteuse de deux patrimoines génétiques différents.

Une anomalie de la nature.

Le phénomène est extrêmement rare. On dénombre en effet une centaine de cas de chimérisme dans le Monde.  Mais cette anomalie apparue dans le cadre d’une intervention médicale en ce qui concerne Chris Long, peut également survenir lors d’un incident dans un processus naturel.  Dans le cas d’une grossesse gémellaire dizygote, c’est à dire comportant deux embryons issus d’une double fécondation, il peut arriver que les deux œufs fusionnent à un stade très précoce de leur développement. L’embryon restant se constitue alors à partir de cellules provenant des deux œufs et il porte par conséquent les deux ADN.

La plupart du temps, le chimérisme touche certains organes ou parties de son corps ou encore certaines cellules comme ceux du groupe sanguin. Une curiosité génétique dont a été victime un autre américain en 2015 : des tests ADN prouvaient que son fils était également son neveu ! Un mystère vite levé car on s’est aperçu que le père possédait en réalité deux ADN, le sien et celui de son jumeau qui ne s’était jamais développé in utéro.

Un cas d’école pour la police scientifique.

Si le chimérisme est encore peu identifié (il est souvent mis en évidence lors d’un diagnostic prénatal) c’est parce qu’il est sans conséquence pour la personne qui en est atteinte. Cela n’empêche pas les spécialistes de s’y intéresser, la médecine légale comme la police scientifique. En l’espace de quelques années, L’ADN est devenu un atout maître dans le cadre des investigations visant à résoudre nombre d’affaires criminelles.

Le chimérisme pourrait changer la donne. En effet, si dans le cadre d’un crime sexuel, l’ADN retrouvé provenait d’une personne ayant subi une greffe de moelle osseuse, n’y aurait-il pas le risque d’incriminer un donneur innocent? Faudra-t-il désormais prélever de l’ADN sur plusieurs parties du corps afin d’éviter des erreurs d’identification aux conséquences dramatiques ? Autant de questions à résoudre et un nouveau cas d’école que les procédures scientifiques devront désormais prendre en compte.

Sources :

https://leplus.nouvelobs.com/contribution/1443694-il-est-l-oncle-de-son-propre-fils-le-chimerisme-une-anomalie-rare-et-sans-danger.html

https://www.maxisciences.com/science/l-adn-de-son-sperme-a-ete-remplace-par-celui-de-son-donneur_art44141.html

https://trustmyscience.com/apres-greffe-moelle-osseuse-sperme-ne-contient-que-adn-donneur/