Comment la nature trahit la présence d’un cadavre ?

  • 17 juillet 2025
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Une approche biologique pour détecter les tombes illégales

Dans le cadre d’un projet expérimental mené à Bogotá, deux fosses simulant des sépultures clandestines ont été creusées, l’une vide, l’autre contenant un cadavre de porc, substitut standard aux corps humains en science forensique. Les chercheurs ont collecté et analysé des échantillons de sol à différentes profondeurs pour y étudier la composition fongique et palynologique. L’objectif de l’étude était de déterminer si la présence de restes organiques décomposés modifie la communauté microbienne et végétale du sol, et si ces signatures biologiques pouvaient servir d’indicateurs temporels et spatiaux dans les enquêtes criminelles.

Une richesse fongique et pollinique révélatrice

Les résultats montrent que le sol des fosses contenant un cadavre présente une plus grande diversité de champignons, notamment des espèces comme Fusarium oxysporum ou Paecilomyces, dont la fréquence augmente en présence de décomposition. Ces organismes, capables de dégrader des composés riches en azote comme la kératine, pourraient indiquer l’existence de restes organiques enfouis.

Structures du champignon Fusarium oxysporum observées au microscope optique. A et B : macroconidies, C : chlamydospores. © David Esteban Duarte-Alvarado

Côté palynologie, les grains de pollen identifiés à 50 cm de profondeur, notamment Borago officinalis, Poa sp. et Croton sonderianus sont typiques de la saison sèche. En revanche, les pollens prélevés à 30 cm sont liés à la saison humide. Cette disposition successive permettrait de dater la période d’enfouissement et d’exhumation.

Intégrer la biologie du sol dans les enquêtes judiciaires

Cette étude est la première à apporter des données expérimentales sur la mycologie et la palynologie dans un contexte tropical équatorial, jusqu’alors peu exploré en science forensique. Elle ouvre la voie à une intégration plus systématique de ces disciplines dans l’analyse des scènes de crime impliquant des sépultures clandestines ou la recherche de corps enfouis. Bien que ces résultats soient préliminaires, ils démontrent la pertinence d’approches biologiques complémentaires aux méthodes médico-légales classiques, notamment dans des régions où les conditions climatiques modifient les dynamiques de décomposition.

Conclusion

Cette étude s’inscrit dans un champ de recherches plus large sur les indices biologiques laissés par des cadavres enfouis. Après les arbres et leurs racines qui peuvent signaler une présence souterraine anormale, ce sont ici les champignons et les pollens qui deviennent témoins silencieux des morts clandestines. Cette approche microbiologique vient enrichir les outils de l’archéologie forensique, telle que pratiquée par les experts de la gendarmerie nationale. En croisant les indices biologiques invisibles à l’œil nu avec les techniques classiques de fouilles et d’analyse stratigraphique, elle permet une lecture plus fine du sol et de son histoire criminelle.

Référence :
Tranchida, M. C., et al. (2025). Mycology and palynology: Preliminary results in a forensic experimental laboratory in Colombia, South America. Journal of Forensic Sciences.
Article complet disponible ici.

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