Qu’est-ce que l’empreinte olfactive ?

  • 9 février 2022
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L’empreinte olfactive peut être définie comme l’identification d’un individu par son odeur. Tout comme les empreintes digitales, les empreintes génétiques et désormais l’empreinte numérique, l’empreinte olfactive pourrait, à terme, être utilisée comme marqueur spécifique d’un individu.

L’empreinte olfactive tire son origine de la trace odorante émanant d’un être humain qui peut être soit laissée sur un support suite à un contact, soit présent et véhiculé dans l’air suite au passage de l’individu. Bien que la notion de trace odorante soit ancienne, il a fallu attendre la fin du XXe siècle pour montrer la faisabilité et la pertinence du prélèvement de ces traces, qui n’apparaissent pas évidentes a priori (à la différence d’une trace de sang, d’un épandage de liquide inflammable ou d’un impact de projectile balistique qui sont « visibles »). Les évolutions dans les matériaux de collecte (polymères, tissus…) ont également rendu possible ces prélèvements et leur conservation. Dans le même temps, les évolutions analytiques (chromatographie notamment) ont quant à elles permis une meilleure mise en évidence de ces traces, et une meilleure connaissance de leur composition.

Il est donc désormais possible de recueillir ces traces sur une scène de crime, ainsi que sur des individus eux-mêmes, ceci à des fins de rapprochement. Les techniques dites « d’odorologie » ou « d’olfaction criminelle » utilisant le chien sont basées sur cette confrontation entre l’odeur prélevée sur une scène (trace odorante) et une odeur corporelle directement prélevée sur un individu (odeur directe).

L’odeur est une combinaison complexe de plusieurs centaines de molécules. Parmi elles, on peut retrouver une composante dite primaire, qui comporte une partie statique génétiquement déterminée et resterait donc stable chez un sujet au fil du temps. Une partie plus variable, influencée par des paramètres tels que l’activité physique ou psychique, l’alimentation et l’environnement (odeur secondaire), ou encore les produits cosmétiques et tous les autres composés exogènes en général (odeur dite tertiaire), viennent s’y ajouter.

Malgré cette complexité, l’efficacité des chiens dans le cadre de recherche de personnes disparues ou pour des pistes n’est plus à prouver. Cependant, elle trouvera toujours des limites dans le cadre de l’identification formelle d’un individu qui n’est plus présent à un endroit donné et à un moment donné. Ces limites sont dues à ce stade au manque de connaissance du fonctionnement de l’odorat du chien, et en particulier les molécules impliquées dans la reconnaissance d’un individu, qui reste encore un mystère, même dans la littérature scientifique.

Le manque d’information sur la trace à proprement parler et sur le processus de discrimination d’odeurs effectué par le chien lors du pistage est un véritable écueil et diminue la force probante de la méthode.

Par ailleurs, le biais généré par le tapissage (« line-up ») en lui-même, ainsi que la question de l’interprétation de l’absence de marquage du chien se pose (absence de trace ou non détection du chien).

Ces constats ont conduit les spécialistes de l’IRCGN à considérer de façon complémentaire au chien, des méthodes et moyens de prélèvements, d’analyses chimiques et de traitements statistiques, afin d’exploiter par une autre voie cette trace prometteuse.

Dans l’optique d’une identification formelle lors du procès pénal, l’emploi de deux techniques orthogonales (équipe cynophile et analyses au laboratoire) qui conduiraient in fine au même individu renforcerait ainsi considérablement la force probante de la trace révélée.

A terme, une approche « de laboratoire » serait donc un véritable appui pour les identifications réalisées par les chiens. En effet, le marquage d’un chien trouverait son écho au laboratoire, et en cas d’absence de marquage dû à une trace partielle ou dégradée, une classification au laboratoire permettrait tout de même d’orienter les enquêteurs et les magistrats dans leurs investigations.

Le projet « Empreinte olfactive », porté par l’IRCGN, est construit sur un principe de conception évolutif. Menant de front un travail sur le prélèvement de l’échantillon avec le développement de méthodes et d’outils utilisables facilement sur le terrain (pompe de prélèvement ayant fait l’objet d’un brevet), l’utilisation d’outils analytiques de pointe tels que la chromatographie en phase gazeuse bidimensionnelle intégrale couplée la spectrométrie de masse, ainsi que des techniques de traitement des données (informatiques et statistiques), l’IRCGN cherche à proposer une solution aux enquêteurs pour réussir à classifier voire même individualiser pour augmenter la force probante de l’information apportée par le chien.

Ce projet de recherche peut répondre à des problématiques dépassant le domaine criminalistique, du fait de l’identification des molécules chimiques sécrétées par le corps, dont certaines intéressent le monde médical, notamment dans les phases de diagnostics.

Par exemple, le projet « KDog COV », porté par l’Institut Curie, est une recherche impliquant la personne humaine qui a pour objectif d’analyser l’odeur humaine pour mettre en évidence de potentiels marqueurs chimiques du cancer du sein à l’aide de techniques de chimie analytique. Ce programme de recherche a pour but d’élaborer une technique de dépistage du cancer du sein simple, peu coûteuse et non invasive. Les analyses sont réalisées en partenariat avec l’IRCGN qui a déjà développé des méthodes de prélèvement et d’analyse de l’odeur pour le domaine de la criminalistique.

Références des travaux

  • [1] V. Cuzuel, G. Cognon, I. Rivals, C. Sauleau, F. Heulard, D. Thiébaut, J. Vial, Origin, analytical characterization and use of human odor in forensics, J. Forensic Sci. 62 (2017) 330–350. doi:10.1111/1556-4029.13394.
  • [2] V. Cuzuel, E. Portas, G. Cognon, I. Rivals, F. Heulard, D. Thiébaut, J. Vial, Sampling method development and optimization in view of human hand odor analysis by thermal desorption coupled with gas chromatography and mass spectrometry., Anal. Bioanal. Chem. 409 (2017) 5113–5124. doi:10.1007/s00216-017-0458-8.
  • [3] V. Cuzuel, A. Sizun, G. Cognon, I. Rivals, F. Heulard, D. Thiébaut, J. Vial, Human odor and forensics. Optimization of a comprehensive two-dimensional gas chromatography method based on orthogonality: How not to choose between criteria, J. Chromatogr. A. 1536 (2017) 58–66. doi:10.1016/j.chroma.2017.08.060.
  • [4] V. Cuzuel, G. Cognon, D. Thiebaut, I. Rivals, E. Portas, A. Sizun, F. Heulard, Reconnaître un Suspect grâce à son Odeur : du Chien aux Outils Analytiques, Spectra Analyse, 318 (2017) 38–43.
  • [5] V. Cuzuel, R. Leconte, G. Cognon, D. Thiébaut, J. Vial, C. Sauleau, I. Rivals, Human odor and forensics: Towards Bayesian suspect identification using GC × GC–MS characterization of hand odor, J. Chromatogr. B Anal. Technol. Biomed. Life Sci. 1092 (2018) 379–385. doi:10.1016/j.jchromb.2018.06.018.
  • [6] I. Rivals, C. Sautier, G. Cognon, V. Cuzuel, Evaluation of distance‐based approaches for forensic comparison: Application to hand odor evidence, J. Forensic Sci. (2021) 1556-4029.14818. doi:10.1111/1556-4029.14818.
  • [7] M. Leemans, I. Fromantin, P. Bauër, V. Cuzuel, E. Audureau, Volatile organic compounds analysis as a potential novel screening tool for breast cancer: a systematic review (submitted)

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