Dans le cadre des enquêtes criminelles, l’analyse de l’ADN joue un rôle central pour identifier les auteurs de crimes et délits. Mais toutes les traces biologiques ne livrent pas les mêmes informations. L’ADN de contact, c’est-à-dire celui qui est laissé involontairement sur une surface après un simple toucher, demeure difficile à interpréter pour les experts en police scientifique.
Pourquoi certaines personnes laissent-elles plus d’ADN que d’autres ? Une étude récente, menée par l’équipe de la Flinders University en Australie, propose une méthode innovante pour objectiver cette variabilité. En s’intéressant à la propension individuelle à libérer des cellules cutanées, les chercheurs ouvrent de nouvelles perspectives en génétique forensique et en interprétation des traces sur les scènes d’infraction.
Une variabilité interindividuelle bien réelle
Certains individus, qualifiés de « bons donneurs », laissent naturellement une grande quantité de cellules de peau sur les objets qu’ils manipulent. D’autres, à l’inverse, n’en déposent que très peu. Cette différence, longtemps observée par les biologistes forensiques, complique la lecture des résultats ADN, notamment lorsqu’il s’agit d’évaluer la plausibilité d’un contact direct entre une personne et un objet.
Jusqu’à présent, il était difficile de quantifier cette variabilité de manière fiable et reproductible. C’est précisément ce que propose l’étude australienne, en fournissant un protocole scientifique rigoureux.
Un protocole de mesure simple et reproductible
Les chercheurs ont mis au point un protocole basé sur une série de contacts contrôlés réalisés par 100 participants, tous invités à toucher une surface standardisée. Les cellules déposées sont ensuite :
- Colorées par un marqueur fluorescent,
- Comptées par microscopie,
- Soumises à une analyse génétique pour confirmer la présence d’ADN exploitable.
Résultat : pour 98 des 100 individus testés, le niveau de dépôt cellulaire s’avère stable et reproductible dans le temps. Ce protocole permet de classer les individus selon trois profils : fort, modéré ou faible donneur de cellules cutanées.
Un outil pour mieux contextualiser les traces ADN de contact
L’intérêt de cette méthode dépasse le simple cadre de la biologie. Elle peut devenir un outil de contextualisation judiciaire. Par exemple : Un suspect classé comme fort donneur pourrait expliquer la présence importante de son ADN sur un objet sans qu’il ait participé à l’infraction. À l’inverse, l’absence d’ADN chez un individu faiblement émetteur ne suffit pas à écarter l’hypothèse d’un contact.
Cette information pourrait être intégrée dans le calcul des rapports de vraisemblance utilisés en interprétation génétique, apportant ainsi plus de robustesse aux expertises judiciaires.
Quelles perspectives pour la police scientifique ?
La méthode proposée présente plusieurs avantages : Elle est peu coûteuse et facile à mettre en œuvre en laboratoire. Elle pourrait être adaptée à des objets variés et à des contextes réalistes (différentes surfaces, durées de contact, humidité…). Avant une adoption large, des validations supplémentaires sont nécessaires. Mais à terme, cet outil pourrait être intégré dans les pratiques d’analyses de traces biologiques et devenir un appui pour les magistrats et enquêteurs, dans l’évaluation du poids d’une preuve ADN.
Référence :
- Petcharoen P., Nolan M., Kirkbride K.P., Linacre A. (2024). Shedding more light on shedders. Forensic Science International: Genetics, 72, 103065, consultable ici.
- Flinders University. (2024, August 22). Heavy skin shedders revealed: New forensic DNA test could boost crime scene investigations. ScienceDaily, consultable ici.
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