Comment repérer une lésion interne passée inaperçue à l’autopsie, mais pourtant susceptible d’avoir causé la mort ? En médecine légale, comprendre les traumatismes internes est essentiel pour restituer le déroulement d’un événement violent. Parmi ces blessures, celles qui atteignent l’artère vertébrale constituent un défi majeur. Discrètes et souvent masquées par les structures osseuses, elles échappent fréquemment aux méthodes d’examen traditionnelles. Une avancée technologique récente liée à l’imagerie médico-légale propose une voie prometteuse : associer la fluoroscopie et la micro-tomographie (micro-CT) pour analyser avec une précision inédite les lésions vasculaires post-mortem.
Une artère clé, mais difficile d’accès
L’artère vertébrale irrigue des zones vitales du système nerveux comme le tronc cérébral, le cervelet et les régions postérieures du cerveau. Une atteinte, même minime, peut provoquer un AVC, un effondrement neurologique ou un décès rapide. Son trajet anatomique, profondément enfoui dans la colonne cervicale, la rend difficile à explorer. En contexte médico-légal, une lésion sur cette artère constitue un indice déterminant dans l’analyse d’une plaie pénétrante du cou, souvent révélateur d’une intention potentiellement létale.
L’imagerie médico-légale pour observer le flux en temps réel
Utilisée en médecine pour ses capacités d’imagerie dynamique, la fluoroscopie permet de suivre la circulation d’un agent de contraste à travers les vaisseaux. Elle met en évidence les fuites, sténoses ou occlusions caractéristiques d’un traumatisme vasculaire. Mais si elle offre une vue d’ensemble, sa résolution reste insuffisante pour examiner les lésions microscopiques.
La micro-CT pour plonger au cœur de la lésion
Pour franchir cette limite, les chercheurs recourent à la micro-tomographie, une technique d’imagerie à très haute résolution. L’échantillon est tourné sur lui-même pendant la prise de milliers d’images radiographiques, qui sont ensuite reconstruites en un modèle 3D numérique. Ce procédé révèle des détails invisibles autrement comme des déchirures de la paroi artérielle, thrombus, dissections ou ruptures partielles. Ces reconstructions offrent la possibilité de réaliser des dissections virtuelles sous différents angles, sans altérer le corps, et en garantissant une reproductibilité précieuse en contexte judiciaire.
Une méthode standardisée, au service de la justice et de la médecine
Le protocole développé par Secco et ses collaborateurs repose sur une imagerie ex situ, c’est-à-dire réalisée sur une artère extraite du corps. Cette approche contourne plusieurs obstacles comme la décomposition avancée, la chirurgie antérieure, les traumatismes complexes ou encore les artefacts liés aux mouvements. Grâce à l’injection d’un agent de contraste, le réseau vasculaire est parfaitement visualisé, permettant une documentation précise et stable. Ces images de haute qualité constituent des preuves solides, exploitables devant un tribunal, mais aussi une ressource précieuse pour les équipes médicales lors de la planification d’interventions neurochirurgicales ou traumatologiques.
Un outil pédagogique et scientifique
Au-delà de leur valeur diagnostique, les reconstructions 3D et les vidéos fluoroscopiques représentent d’excellents supports d’enseignement. Elles permettent de visualiser les mécanismes de blessure avec un réalisme saisissant et de mieux comprendre la biomécanique d’un traumatisme pénétrant. Cette compréhension fine des forces en jeu aide non seulement les chercheurs à caractériser les lésions vasculaires, mais aussi les ingénieurs à concevoir des protections plus efficaces et les experts à reconstituer avec justesse les circonstances d’un acte violent.
Vers un nouveau standard en médecine légale
Fruit d’une collaboration étroite entre radiologues, pathologistes, ingénieurs et chimistes, ce protocole d’imagerie marque une évolution importante dans la pratique médico-légale. L’accessibilité croissante des équipements de micro-CT laisse entrevoir son intégration prochaine dans les autopsies de routine. Avec l’amélioration continue des technologies d’imagerie en termes de résolution, de rapidité et de capacité multi-contraste, l’hypothèse d’examens post-mortem vasculaires non invasifs devient chaque jour plus réaliste. À terme, cette méthode pourrait être étendue à d’autres zones artériels (carotide, sous-clavière, intracrânien), enrichissant ainsi la compréhension globale des traumatismes vasculaires.
Conclusion
À la croisée de la technologie et des sciences médico-légales, cette approche allie précision, rigueur et innovation. En offrant une lecture tridimensionnelle et reproductible des lésions internes, elle transforme la manière d’aborder les plaies par arme blanche touchant l’artère vertébrale. C’est une avancée majeure, au service de la vérité judiciaire autant que de la connaissance scientifique, ouvrant la voie à une nouvelle génération d’autopsies plus fines, plus fiables et mieux documentées.
Secco, L., Franchetti, G., Viel, G. et al. Ex-situ identification of vertebral artery injuries from stab wounds through contrast-enhanced fluoroscopy and micro-CT. Int J Legal Med (2025). consultable ici.
Chaque année en France, près de 40 000 personnes sont signalées disparues. En 2022, l’association ARPD a comptabilisé 60 000 « disparitions inquiétantes », dont 43 200 mineurs ; environ 1 000 dossiers restent, en pratique, sans solution [1,2]. Avec le temps, la probabilité de retrouver une personne disparue, vivante ou simplement ses restes, chute drastiquement. La densité végétale des sous-bois voire des forêts constitue alors un obstacle majeur, rendant inefficaces aussi bien l’observation aérienne que les capacités olfactives des chiens de recherche [3]. Dans les territoires ultra-marins comme la Martinique, les disparitions sont également nombreuses et la topographie des principales zones de disparition sont un véritable frein aux battues et à l’utilisation de moyens plus conventionnels pour rechercher une personne disparue [4,5]. Des télépilotes de drones de la Gendarmerie Nationale sont souvent requis pour des recherches mais les drones utilisés ne sont équipés que d’un capteur optique qui peine à détecter quoi que ce soit au travers de la végétation. Malgré tout, les drones ne sont pas inutiles en termes de missions de sauvetage, leur utilisation est très répandue aux Etats-Unis pour localiser des personnes accidentées dans la nature, pour leur transmettre un moyen de communication voire des médicaments ou des provisions [6–8]. Lorsque la canopée et la végétation dense rendent les recherches classiques inefficaces, une alternative s’impose : le LiDAR (Light Detection And Ranging). Déjà éprouvé dans de nombreux domaines dont l’archéologie, il pourrait apporter une véritable valeur ajoutée aux enquêtes judiciaires en milieu forestier [9–11].
Le pari du LiDAR
Le capteur LiDAR envoie jusqu’à 240 000 impulsions laser par seconde ; il mesure le temps que met chaque rayon à revenir à l’émetteur après avoir heurté un obstacle, reconstituant un nuage de points 3D [12]. Même si un gros pourcentage des faisceaux rebondit sur les feuilles, le reste atteint le sol et dessine son relief. On peut sélectionner une tranche de hauteur précise, par exemple, entre 15 et 50 cm au-dessus du sol supprimant de facto la canopée. Cette sélection donne accès aux différents volumes présents. Un corps ou un objet peuvent s’y distinguer du relief naturel [13].
Un test grandeur nature en Isère
En avril 2024, une équipe composée d’un anthropologue judiciaire et d’un spécialiste du télé pilotage et du capteur LiDAR a installé un volontaire allongé dans un bosquet de Montbonnot-Saint-Martin (Isère) ; afin de vérifier si un corps humain pouvait laisser une signature détectable par le capteur et ce malgré une densité de végétation importante. Le terrain, de 0,8 ha, recensait 721 arbres/ha et affichait un indice de végétation par différence normalisée (NDVI) entre +0,6 et +1, preuve d’une canopée particulièrement épaisse [13–15].
Deux capteurs LiDAR
Capteur (DJI)
Échos max./point
Vitesse de vol
% de points « sol »
Verdict
Zenmuse L1
3
1,9 m/s
0,11 %
Le corps est difficilement repérable
Zenmuse L2
5
2 m/s
0,26 %
Silhouette détectée en quelques clics
A la manière d’un GPS (Global Positioning System), l’écran de la radiocommande du drone permet d’avoir une vue au zenith de la zone de recherche. Lorsqu’une mission est programmée, une aire est renseignée et le logiciel du drone trace la route qu’il devra emprunter. Le drone avance en ligne droite puis arrivé à la limite de la zone opère une rotation à 90° avance, fait une nouvelle rotation de 90° et poursuit sa course dans le sens inverse. Lorsque le drone revient sur ses pas, le rayonnement du LiDAR recouvre le précédent passage permettant une acquisition sur et sous la canopée plus importante (figure 1).
Figure 1 : Schématisation du parcours d’un drone. Les bandes grises représentent les zones scannées par le LiDAR. Les zones gris foncé représente le recouvrement du faisceau qui s’opère à chaque passage du drone.
Le test démontre que, même sous canopée dense, un LiDAR de dernière génération peut capter suffisamment de points au sol pour détecter un corps en surface
À l’issue d’un vol de 7 minutes, les données sont importées dans DJI Terra Pro puis TerraSolid. Le filtrage sur la tranche 0,15–0,50 m met en évidence une sur-densité caractéristique à l’emplacement du volontaire. La comparaison avec une acquisition témoin sans corps permet de distinguer les anomalies naturelles (rochers, souches) et de préparer une matrice de vrais/faux positifs destinée à mesurer la robustesse statistique de l’alerte.
Météo, règlementation : les freins du terrain
Le test démontre que, même sous une canopée dense, un LiDAR de dernière génération peut capter suffisamment de points au sol pour détecter un corps en surface (figure 2). La sélection d’une bande de hauteur adaptée est essentielle pour réduire le bruit issu des rochers ou troncs. Les conditions météorologiques (pluie, brouillard, vent > 30 km/h) restent limitantes, tout comme l’autonomie du drone et les contraintes réglementaires de distance.
Figure 2 : A : acquisition sans corps disposé au sol, B : acquisition avec disposition au sol du volontaire.
L’intérêt est d’évaluer jusqu’à quel degré de décomposition les corps laisse une signature détectable par le LiDAR
Et pour la suite ?
Le LiDAR aéroporté offre un outil non destructif pour localiser des restes humains sous la végétation et documenter la topographie d’une scène en trois dimensions avant toute fouille, garantissant un accès en toute sécurité au corps. Son déploiement rapide (matériel léger, un à deux opérateurs) représente une alternative moins coûteuse et plus sûre que les battues humaines ou les vols hélicoptère dans un relief difficile.
Dans un premier temps, les recherches s’orientent plus sur la détection de corps de volontaires vivants mais pour les cas où les personnes sont supposées décédées, les tests devront être effectués sur des corps en état de décomposition. L’intérêt est d’évaluer jusqu’à quel degré de décomposition les corps laisse une signature détectable par le LiDAR. Ce genre de recherche ne peut avoir lieu en France à ce jour, des collaborations avec des laboratoires étrangers sont donc envisagées. Une autre possibilité serait de compléter l’utilisation du LiDAR avec d’autres capteurs comme les capteurs thermographiques ou multispectraux. Le capteur thermographique permettrait de détecter des sources de chaleurs liées à l’activité entomologique sur le corps [16]. Les capteurs multispectraux permettraient de détecter les modifications chimiques du sol ou de la végétation au fil du temps toujours en lien avec la putréfaction des corps [17,18].
En l’espace de quelques heures seulement, un simple nuage de points bruts se transforme en zone prioritaire à explorer
En conclusion
Cette étude démontre qu’un pourcentage infime de points “au sol” peut suffire à révéler la présence d’un corps dans une végétation habituellement considérée comme impénétrable. En l’espace de quelques heures seulement, un simple nuage de points bruts se transforme en zone prioritaire à explorer, réduisant à la fois l’étendue des recherches et l’attente anxieuse des familles. Reste à confirmer ces résultats sur d’autres types de forêts et avec de véritables donneurs, mais le LiDAR ouvre déjà une brèche dans l’opacité des disparitions.
Les résultats confirment que les capteurs LiDAR aéroportés sont capables de mettre en évidence la présence d’un corps dans des environnements fortement végétalisés. Dans les conditions les plus denses, la densité de points au sol a atteint 0,26 %. L’étude met en lumière la nécessité de perfectionner les techniques de post-traitement, en particulier la sélection des points du nuage et l’élaboration d’analyses de vrais/faux positifs, afin d’optimiser la fiabilité de la détection. Enfin, l’intégration de capteurs complémentaires, tels que les capteurs thermiques ou multispectraux, apparaît comme une piste prometteuse pour identifier plus finement les anomalies thermiques et les marqueurs chimiques associés à la décomposition.
Bibliographie
[1] ARPD | ARPD, (n.d.). https://www.arpd.fr/fr (accessed February 28, 2024).
[3] U. Pietsch, G. Strapazzon, D. Ambühl, V. Lischke, S. Rauch, J. Knapp, Challenges of helicopter mountain rescue missions by human external cargo: Need for physicians onsite and comprehensive training, Scandinavian Journal of Trauma, Resuscitation and Emergency Medicine 27 (2019). https://doi.org/10.1186/s13049-019-0598-2.
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La criminalistiqueet les interventions d’urgence vivent actuellement une période charnière marquée par l’intégration croissante de technologies avancées telles que la photogrammétrie, la lasergrammétrie (LiDAR) et l’intelligence artificielle (IA). Ces technologies apportent non seulement une précision et une efficacité sans précédent mais ouvrent aussi de nouvelles perspectives d’investigation et d’intervention, modifiant profondément les méthodologies traditionnelles.
Photogrammétrie et Lasergrammétrie : des outils de précision
En qualité d’expert topographe et officier spécialiste de l’unité drone du Service Départemental d’Incendie et de Secours de Haute-Savoie (SDIS74), j’ai constaté directement comment ces outils améliorent la précision des relevés topographiques et facilitent l’analyse rapide des scènes complexes. La photogrammétrie permet la reconstruction en 3D d’environnements divers en utilisant des images aériennes capturées par des drones équipés de caméras haute résolution. Cela génère rapidement des modèles numériques de terrains détaillés, essentiels dans les interventions urgentes ou criminelles où chaque détail compte.
Levé de route par méthode photogrammétrique, en vraie coloration. Crédit : Arnaud STEPHAN – LATITUDE DRONE
Il est possible d’atteindre des niveaux de détail extrêmement élevés, permettant par exemple d’identifier des traces de pas par la profondeur laissée dans le sol.
La lasergrammétrie (LiDAR) complète efficacement la photogrammétrie en offrant une précision millimétrique grâce à l’émission de faisceaux laser qui scannent et modélisent l’environnement en trois dimensions. Cette technologie est particulièrement efficace dans les contextes complexes comme les zones boisées denses, les falaises abruptes ou les reliefs montagneux escarpés, où la photogrammétrie peut parfois rencontrer des difficultés à capturer tous les détails nécessaires.
Pour préciser davantage, le LiDAR présente généralement plus de bruit sur les terrains nus et les surfaces dures par rapport à la photogrammétrie, qui reste l’outil à privilégier dans ces cas-là. En revanche, dans les zones boisées, le LiDAR peut ponctuellement atteindre le sol et fournir ainsi des informations cruciales sur le relief, là où la photogrammétrie pourrait échouer.
La photogrammétrie ne fonctionne que de jour puisqu’elle exploite les données photographiques dans le spectre visible.
Suivant les altitudes de vol choisies et le type de capteur utilisé, il est possible d’atteindre des niveaux de détail extrêmement élevés, permettant par exemple d’identifier des traces de pas par la profondeur laissée dans le sol. Ces technologies sont d’ores et déjà employées pour figer précisément des scènes de crime. Traditionnellement, des scanners statiques étaient utilisés à cet effet, mais les drones permettent d’élargir considérablement le périmètre de captation tout en assurant une rapidité accrue. Cette rapidité est cruciale car il est souvent impératif de figer rapidement la scène avant tout changement météorologique.
Cependant, il est important de noter que la photogrammétrie ne fonctionne que de jour puisqu’elle exploite les données photographiques dans le spectre visible.
Levé topographique par méthode LIDAR et colorié selon les altitudes. Végétation différenciée en vert. Crédit : Arnaud STEPHAN – LATITUDE DRONE
L’intelligence Artificielle : vers une analyse automatisée et performante
La véritable révolution réside dans l’intégration de ces relevés géospatiaux à des systèmes intelligents capables d’analyser massivement des données visuelles avec rapidité et précision. À cet égard, le projet OPEN RESCUE, développé par ODAS Solutions en partenariat avec le SDIS74 et l’Université Savoie Mont-Blanc, constitue un cas exemplaire. Cette IA est alimentée par un jeu de données exceptionnel de près de 1,35 million d’images collectées grâce à différents types de drones (DJI Mavic 3, DJI Matrice 300, Phantom 4 PRO RTK, etc.) dans une diversité remarquable d’environnements, couvrant toutes les saisons.
Illustration des capacités d’OPEN RESCUE : une personne isolée l’hiver en montagne. Crédit : Arnaud STEPHAN – ODAS SOLUTIONS
La robustesse de l’IA OPEN RESCUE se traduit par un F1-score maximal de 93,6 %, un résultat remarquable validé par des opérations de terrain réelles. Le F1-score est un indicateur statistique utilisé pour mesurer la précision d’un système d’intelligence artificielle : il combine la précision (le nombre d’éléments correctement identifiés parmi toutes les détections) et le rappel (le nombre d’éléments correctement identifiés parmi tous ceux présents). Un score élevé signifie donc que l’IA parvient efficacement à détecter correctement un grand nombre d’éléments pertinents tout en évitant les fausses détections. Ce système intelligent est capable de détecter avec précision des individus ainsi que des indices indirects de présence humaine tels que vêtements abandonnés, véhicules immobilisés ou objets personnels, offrant ainsi une assistance précieuse et immédiate aux équipes de secours.
Captation des données d’entrainement OPEN RESCUE avec des pompiers du SDIS74 – Crédit : Arnaud STEPHAN – ODAS SOLUTIONS
L’arrivée de cette technologie transforme radicalement la façon dont les équipes mènent leurs recherches : à présent, il devient possible de ratisser méthodiquement et largement des zones entières, avec la possibilité de s’assurer qu’aucun élément pertinent n’a été identifié par l’IA dans ces zones. Bien que cela ne remplace pas les équipes cynophiles ni les autres méthodes traditionnelles, l’intelligence artificielle apporte une exhaustivité nouvelle et complémentaire à la démarche de recherche.
L’arrivée de cette technologie transforme radicalement la façon dont les équipes mènent leurs recherches.
Applications pratiques et résultats opérationnels
Sur le terrain, l’efficacité de ces technologies est largement démontrée. Les drones autonomes utilisés par notre unité peuvent couvrir efficacement jusqu’à 100 hectares en environ 25 minutes, avec un traitement des images réalisé quasiment en temps réel par OPEN RESCUE. Cela permet une réponse extrêmement rapide, garantissant une gestion optimale du temps critique lors des interventions d’urgence et des recherches de personnes disparues.
En outre, la capacité à documenter précisément les zones parcourues lors des opérations apporte un avantage significatif dans les contextes judiciaires. La possibilité d’utiliser ces modèles 3D précis et ces données analysées automatiquement comme preuves devant des tribunaux offre une transparence accrue aux procédures judiciaires et facilite grandement le travail des magistrats, enquêteurs et avocats.
Drone Matrice 300 DJI en vol en zone montagneuse – Crédit : Arnaud STEPHAN – LATITUDE DRONE
Contraintes d’exploitation et cadre réglementaire
L’utilisation opérationnelle des drones et de ces technologies avancées est soumise à plusieurs contraintes réglementaires strictes, notamment en termes d’autorisations de vol, de respect de la vie privée, de gestion des données et de sécurité aérienne. En France, les drones sont réglementés par la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) qui impose des scénarios de vol spécifiques et des protocoles précis à suivre lors des missions.
De plus, les contraintes techniques d’exploitation incluent la nécessité d’avoir des pilotes formés et régulièrement entraînés, capables de gérer des missions en toute sécurité et efficacité. Enfin, tous les six mois environ, du nouveau matériel innovant voit le jour, apportant constamment des améliorations significatives telles que des vitesses de captation accrues, des capteurs optiques et thermiques de meilleure qualité, ainsi que la miniaturisation des systèmes LiDAR embarqués.
Conclusion
En définitive, l’intégration croissante des technologies avancées constitue une avancée déterminante dans les sciences forensiqueset les interventions d’urgence, malgré les contraintes opérationnelles et réglementaires à considérer. Leur application pratique améliore non seulement l’efficacité et la rapidité des opérations mais ouvre aussi de nouvelles possibilités d’analyse judiciaire, confirmant ainsi leur rôle essentiel dans la sécurité publique et la justice moderne.