L’expertise en trace d’oreille

  • 7 février 2022
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L’oreille présente une telle variabilité morphologique que la trace qu’elle va laisser sur une scène de crime peut devenir un élément d’identification déterminant. La présence de trace d’oreille permet de caractériser un mode opératoire particulier visant en une écoute attentive à travers, par exemple, la porte d’un appartement cambriolé. Bien que la trace d’oreille ne puisse suffire à elle seule pour identifier un individu, son expertise constitue un outil d’investigation indéniable.

Introduction

De par ses nombreuses variations de taille et de forme, l’ oreille s’ est toujours inscrite comme un élément déterminant dans l’ identification de la personne. Qu’il s’agisse de Rodolphe Archibald Reiss, fondateur de la première école de police scientifique, à Lausanne en 1909, ou d’Edmond Locard, fondateur du premier laboratoire de police scientifique, en 1910 à Lyon, depuis plus de cent ans, les spécialistes en identification se sont relayés, qualifiant le pavillon externe de l’oreille comme l’élément le plus discriminant du visage humain. D’après ces spécialistes, la forme de l’oreille serait tellement variée qu’ on ne saurait trouver deux oreilles semblables lors de l’examen des photographies de celles-ci prises dans des conditions standardisées. C’est d’ailleurs Alphonse Bertillon, fondateur du service de l’anthropométrie judiciaire, en 1882 à Paris, qui fut l’initiateur de l’enregistrement de l’oreille comme élément discriminant dans l’établissement de son portrait parlé en matière d’identification des récidivistes.

Des études scientifiques récentes exploitant la variabilité morphologique de l’oreille ont démontré qu’au-delà de l’inversion symétrique gauche / droite, ce seul élément pouvait rendre possible la différenciation des deux oreilles d’une même personne, voire la différenciation de jumeaux monozygotes. L’oreille présente une telle variabilité morphologique que la trace qu’elle va laisser sur une scène de crime peut devenir un élément d’identification puissant. Comme nous le discuterons plus en détail ci-après, les traces laissées par les oreilles sont certes moins riches en information que les photographies signalétiques standardisées1, mais elles présentent des formes qui peuvent être rapprochées et fournir une force d’association non négligeable.

Ecoute attentive à travers une porte laissant une trace d'oreille

Individu procédant à une écoute attentive à travers une porte d’un appartement. En procédant ainsi, ce dernier laisse une trace d’oreille, pouvant être exploitée par la police scientifique sur les lieux de l’infraction. Sébastien AGUILAR ©

Où les retrouve-t-on ?

D’un point de vue physique, lorsque l’oreille entre en contact avec un support pouvant être une porte, une vitre ou même un mur, elle transfère une fine pellicule de résidus graisseux sur la surface. Il s’agit en quelque sorte d’une impression, à la façon d’un tampon, de la forme de l’oreille sur le support. En matière de cambriolage, le délinquant laisse souvent une trace de son oreille sur la porte de l’appartement qu’il convoite car il souhaite vérifier par l’écoute, la présence éventuelle des personnes dans le domicile. Ces traces sont relevées sur les lieux par les intervenants de la police et de la gendarmerie scientifique aussi bien sur les portes des appartements cambriolés que sur les portes palières. Il arrive, en effet, que certaines personnes, ou parfois un groupe de personnes, procèdent à de multiples écoutes avant de commettre une infraction. Régulièrement, il est possible de découvrir des scènes de cambriolage avec trois ou quatre traces d’oreille issues de personnes différentes sur un même étage ou sur des étages différents. Lorsque les cambriolages sont perpétrés en série, ces traces permettent de mettre en relation ces différents cas.

L’intérêt de la trace d’oreille pour l’enquête judiciaire

À une époque où la découverte de traces papillaires sur les scènes d’infraction se fait de plus en plus rare, les traces d’oreille constituent une véritable opportunité pour l’enquête judiciaire. Les pratiques françaises, suisses et belges ont montré que ces traces n’étaient en rien marginales puisqu’elles pouvaient être découvertes dans environ 20 % des cas de cambriolages en appartement (habitations principales). En effet, les auteurs de cambriolages pensent bien souvent à prendre leurs précautions à l’intérieur du logement visé, mais restent peu méfiants quand il s’agit de l’extérieur de la scène d’infraction. 

La force des traces auriculaires réside dans le fait qu’il n’y a pas nécessité d’avoir accès à une base de données nominatives. Le spécialiste en traces d’oreille peut être en mesure de rapprocher plusieurs affaires entre elles ; c’est ce que l’on appelle l’ établissement de liens sériels. À partir de ces informations, le spécialiste indique au service enquêteur la sérialité des faits qu’ il vient d’établir. L’officier de police judiciaire en charge des présentes enquêtes peut s’appuyer sur d’autres éléments de police technique et scientifique comme les traces papillaires ou l’ADN afin de confondre d’éventuels suspects. Il est, à ce titre, essentiel que les techniciens de scène de crime puissent réaliser un prélèvement biologique sur la trace de la joue à l’entour de la trace d’oreille. En effet, les derniers résultats indiquent que ces prélèvements ADN permettent l’établissement de profils génétiques dans environ 25 % des cas.

Dès lors que ces prélèvements sont réalisés, l’officier de police judiciaire ou le magistrat instructeur peuvent requérir un relevé d’empreintes d’oreille de l’individu à l’encontre duquel il existe une ou plusieurs raisons de soupçonner qu’il a commis ou tenté de commettre l’infraction. En parallèle, l’autorité judiciaire peut solliciter d’un spécialiste en traces auriculaires des comparaisons entre les traces incriminées et les empreintes d’oreille du ou des individus suspectés.

Dans une affaire criminelle en région parisienne, un individu était mis en cause par son ADN retrouvé sur des liens ayant servi à ligoter une victime à son domicile. La personne mise en cause explique alors aux enquêteurs la présence de son ADN sur les lieux du fait qu’elle avait probablement touché ces liens au cours de sa vie mais qu’à aucun moment elle n’avait participé aux faits ni même été présente sur les lieux. Les liens lui auraient été probablement dérobés à son domicile. Or, les techniciens de scène de crime relevaient sur les lieux une trace d’oreille sur la porte de l’appartement de la victime. À la demande de l’officier de police judiciaire, une comparaison était effectuée entre la trace incriminée et les empreintes d’oreille de l’individu mis en cause. Le résultat de cette expertise tech- nique venait infirmer les déclarations de l’individu. Ce dernier rencontrait beaucoup plus de difficultés quant à la justification de la présence d’une trace d’oreille lui correspondant, en plus de son ADN, sur les lieux de commission des faits. Ici, la trace d’ oreille s’ insère dans un faisceau d’indices et permet de reconstruire une séquence d’ activités de manière plus aisée que la trace ADN relevée. La trace d’oreille est en effet directement liée à l’ activité d’ écoute alors que l’ADN peut être transféré par des mécanismes multiples.

infographie liens sériels trace d'oreille
Représentation graphique de liens sériels en utilisant les traces d’oreille (en bleu) en complément des traces biologiques (en orange) et traces papillaires (en violet). Sébastien AGUILAR ©

Peut-on relever les empreintes d’oreille d’un individu ?

Conformément à l’article 55-1 du Code de procédure pénale, l’officier de police judiciaire peut procéder, ou faire procéder sous son contrôle, sur toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits en cause ou sur toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre l’infraction, aux opérations de prélèvements externes nécessaires à la réalisation d’examens techniques et scientifiques de comparaison avec les traces et indices prélevés pour les nécessités de l’enquête.

Le Conseil constitutionnel a jugé, au sujet de l’article 30 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, « que l’expression « prélèvement externe » fait référence à un prélèvement n’impliquant aucune intervention corporelle interne ; qu’il ne comportera donc aucun procédé douloureux, intrusif ou attentatoire à la dignité des intéressés ; que manque dès lors en fait le moyen tiré de l’atteinte à l’inviolabilité du corps humain ; que le prélèvement externe n’affecte pas davantage la liberté individuelle de l’ intéressé ». Dès lors, le relevé d’empreintes auriculaires peut être demandé par l’ autorité judiciaire, tout comme le refus de prélèvement peut être puni d’un an d’ emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

trace d'oreille relevée sur une scène de crime
Relevé d’une empreinte auriculaire droite sur un individu. Sébastien AGUILAR ©

L’admissibilité de la preuve

À l’instar du système anglo-saxon où, comme aux États-Unis, les éléments scientifiques présentés au tribunal sont sujets à des règles d’admissibilité (selon les décisions Frye ou Daubert), le principe de la liberté des preuves et de la libre appréciation de celles-ci prévaut en France (art. 427 du CPP). Ainsi, le juge est libre d’accepter ou de refuser une preuve selon sa propre conviction. De ce fait, en matière de recherche de traces et indices sur une scène d’infraction, tous les modes de preuve sont recevables tant qu’ils sont obtenus de manière légale. L’officier de police judiciaire ou toute personne habilitée sous son contrôle ne peuvent obliquer quant à ce mode de preuve. L’élément matériel que constitue la trace d’oreille permet de caractériser un mode opératoire particulier consistant en une écoute attentive au travers d’un support. Ce mode opératoire peut, dans de nombreux cas, laisser présumer un acte préparatoire à la commission d’une infraction. En tout état de cause, les traces auriculaires pouvant concourir à la manifestation de la vérité doivent être recherchées et prélevées de manière systématique sur l’ensemble des scènes criminelles et délictuelles.

Quel regard adopté face à ces travaux techniques ?

Au cours de son examen, le spécialiste devra se baser sur les articles scientifiques reconnus par la communauté scientifique et s’appuyer sur ses connaissances et l’expérience technique qu’il a pu acquérir dans sa vie professionnelle comme dans son activité d’expertise.

Nous notons toutefois des attentes disproportionnées dans les réquisitions faites aux spécialistes de police scientifique. En effet, il est souvent demandé aux scientifiques d’apporter un résultat catégorique, limite binaire, à l’autorité judiciaire quant à l’analyse ou à la comparaison technique effectuées. Les quelques questions plus bas, extraites de mandats d’expertise, attestent des attentes d’une réponse catégorique :

• Est-ce que le mis en cause est à l’origine de la trace de contact ADN découverte sur l’arme du crime ?

• Le projectile découvert sur la scène de crime a-t-il oui ou non été tiré par l’arme saisie ?

• La trace d’oreille retrouvée sur la porte a-t-elle été laissée ou non par Monsieur X. ?

L’avènement depuis les années 2000 de séries télévisées à l’image de la plus connue, Les Experts, a véritablement eu un impact considérable sur la perception des actes de police technique et scientifique par le large public ou les acteurs judiciaires. Bien que ces séries aient créé un véritable engouement autour de ce métier alors méconnu, elles ont cependant véhiculé l’idée que les sciences pouvaient absolument tout prouver de manière factuelle et qu’il n’y avait aucune place pour le doute.

Les progrès scientifiques de ces dernières années en matière de sciences criminelles sont assurément spectaculaires. Capable aujourd’hui d’établir le profil génétique à partir de quelques cellules, la technique que nous évoquons était inimaginable il y a tout juste quinze ans. Les moyens et les techniques utilisés étant de plus en plus sensibles et spécifiques, les opérateurs et les analystes doivent être de plus en plus attentifs aux différents risques d’erreurs, de contaminations, de transferts ou d’interprétation. En sciences forensiques (ou criminalistique), la correspondance entre deux éléments n’est jamais parfaite et il en va de même pour des traces et des empreintes d’oreille. De la comparaison effectuée entre deux traces provenant de la même source, on observera toujours quelques différences. De même que de la comparaison des traces avec des empreintes d’oreille d’individus qui n’en sont pas à la source, on risquera toujours la possibilité d’observer une correspondance fortuite. L’objectif du scientifique est de pouvoir adopter une méthodologie permettant de maîtriser et caractériser ces risques d’erreur. C’est bien là tout l’enjeu du scientifique et plus particulièrement de la police technique et scientifique. Ainsi, en matière de traces d’oreille, comme dans tout domaine des sciences forensiques, il n’est pas raisonnable d’en attendre des certitudes. Au mieux, les indices s’exprimeront en termes de probabilités.

Dans le cas d’expertise de traces d’oreille, il est essentiel que le spécialiste puisse apprécier la structure morphologique de l’oreille de l’ individu. Cette dernière étant constituée de parties cartilagineuses et d’autres plus flexibles, la méthodologie utilisée prendra obligatoirement en compte la variabilité intrinsèque de l’organe. En effectuant plusieurs relevés d’empreintes de la même oreille, le spécialiste évalue les différences mises en évidence (distorsion, écrasement, absence, déformation, etc.). Ainsi, il analyse, compare et évalue la reproductibilité de chaque caractéristique de l’ oreille présente sur les empreintes d’oreille. Cette évaluation lui permet de constituer ce que l’on appelle l’« intravariabilité ».

De ce fait, lorsque le spécialiste procède à une comparaison entre une trace incriminée et l’empreinte d’oreille d’un individu, il évalue d’une part les différences rencontrées au regard de l’ intravariabilité définie préalablement et d’autre part le degré de rareté de chaque caractéristique observable (lié à l’ « intervariabilité »). Si les différences sont peu nombreuses et rentrent dans la zone de tolérance définie, il émet un rapprochement plus ou moins fort en fonction de la qualité de la trace et du nombre de caractéristiques visibles.

Si au contraire, ces divergences sont nombreuses ou sortent de cette zone de variabilité, l’expertise permet d’ éliminer des personnes mises en cause et, par conséquent, de réorienter l’enquête. Enfin, dans un souci d’impartialité, le spécialiste soumet ses comparaisons à un second, qui effectue un nouvel examen à l’ aveugle, c’est-à-dire sans connaitre les résultats du premier. Cette phase de vérification est essentielle et gage de fiabilité. Cette méthodologie reconnue par la communauté scientifique, nommée ACE-V(Analyse-Comparaison-Évaluation-Vérification), permet ainsi de limiter au maximum les risques d’erreur et de biais.

Comparaison trace d'oreille affaire criminelle

Superposition (au centre) entre une trace d’oreille incriminée relevée sur une scène de crime (à gauche) et l’empreinte d’oreille d’un individu suspecté (à droite). L’ensemble des observations et des comparaisons effectuées entre la trace auriculaire incri- minée et l’empreinte d’oreille gauche du mis en cause permet de tendre fortement en faveur de l’hypothèse selon laquelle la trace auriculaire sus-mentionnée résulterait de l’apposition de l’oreille gauche du mis en cause plutôt que d’une autre personne. Sébastien AGUILAR ©

Identification ou rapprochement de trace d’oreille ?

Au regard des techniques actuelles, il est important de replacer cette technique dans son contexte. L’utilisation des traces auriculaires dans l’enquête judiciaire ne peut conduire à une identification stricto sensu. En revanche, en fonction de la qualité intrinsèque (morphologie de l’oreille) et extrinsèque (qualité du support, du relevé, de la poudre utilisée, de la pression exercée, etc.) de la trace d’oreille, le spécialiste établira un rapport de rapprochement plus ou moins important. En moyenne, et il faut insister sur le fait que chaque cas peut avoir ses propres spécificités, la probabilité d’une coïncidence fortuite est de l’ordre de une chance sur mille à une chance sur dix mille.

Bien que la trace d’oreille ne puisse se suffire à elle seule pour identifier un individu, son expertise constitue un outil aux perspectives investigatrices indéniables. Dès lors qu’il existe un faisceau d’indices concordants suite à des éléments d’enquête comme des témoignages, de la téléphonie, de la surveillance ou encore par d’autres éléments matériels de police technique et scientifique, la trace d’oreille devient en quelque sorte le tournevis resserrant le lien entre différentes affaires ou entre une affaire et un suspect.

La justice et la trace d’oreille

En France, de nombreux dossiers de rapprochements de traces d’oreille ont été traités, principalement pas les juridictions des agglomérations parisienne et lyonnaise.

Prononcé publiquement le 17 février 2016, par le Pôle 4 – Ch 10 des appels correctionnels, sur un appel d’ un jugement du Tribunal de grande instance de Créteil – 12e chambre du 16 octobre 2016, la cour d’appel de Paris se prononce quant à l’utilisation de traces d’oreille dans une affaire de vols avec effraction. Elle cite notamment qu’ « une empreinte génétique a été retrouvée à l’endroit où les techniciens de police scientifique ont relevé une empreinte auriculaire gauche ; qu’il résulte ainsi de la combinaison de ces deux empreintes que le prévenu est bien à l’origine et de l’apposition de son ADN et de la trace auriculaire, validant ainsi la technique d’empreinte auriculaire utilisée par la police technique […] ; que les comparaisons des différentes traces relevées sur les scènes d’infraction avec les empreintes auriculaires prélevées sur le prévenu en garde à vue attestent que, nonobstant ses dénégations, son implication dans ces cinq faits est avérée. »

La décision de justice du 13 décembre 2017 prise par la 14e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris, illustre parfaitement la combinaison d’ éléments de preuve œuvrant à la manifestation de la vérité. « M. X reconnaît avoir commis dix-neuf des trente-deux faits qui lui sont reprochés, en décrivant le mode opératoire systématiquement employé. Ses aveux sont corroborés par les constatations des enquêteurs sur chacun de ces faits, par les résultats de la comparaison effectuée par la police technique et scientifique entre les empreintes d’oreille relevées et les oreilles du prévenu et/ou par les résultats de l’expertise diligentée sur les traces d’oreille. Au surplus, ces éléments ont été confortés, s’agissant de certaines infractions, par un rapprochement avec l’ADN de l’intéressé, une trace de chaussure correspondant à celles portées par celui-ci et le bornage de sa ligne téléphonique sur le lieu d’un cambriolage. Les treize vols avec effraction dans un local d’habitation ou tentatives de vol aggravé par ces mêmes circonstances, qui sont contestés par le prévenu, ont été commis selon un mode opératoire spécifique et strictement identique à celui des faits reconnus. Il a été retrouvé sur six sites cambriolés ou marqués par une tentative de cambriolage des traces d’oreille correspondant à celles de M. X, dont un domicile où son ADN a également été retrouvé sur la porte d’entrée. Les sept autres infractions contestées ont été commises dans des circonstances de temps et de lieux similaires, en l’espèce sur les mêmes créneaux horaires et dans les mêmes immeubles, voire aux mêmes étages. En outre, les explications de M. X apparaissent contradictoires puisqu’il a déclaré au juge d’instruction qu’il n’opérait que dans le 15e arrondissement alors qu’il a reconnu des faits commis dans de nombreux autres arrondissements. La conjonction de ces différents éléments revêt une force probante suffisante pour entrer en voie de culpabilité de l’ensemble des faits reprochés. »

Conclusion

Nous sommes convaincus du potentiel de ce type de traces et la pratique dans nos juridictions atteste de leur utilité. Les traces d’oreille sont un vecteur efficace du renseignement judiciaire par l’ établissement de séries et ceci avant même qu’une personne soit mise en cause. Puis, lorsqu’elles sont mises en relation avec les empreintes de référence d’une personne, elles apportent un indice d’association puissant dont les acteurs judiciaires ne devraient pas se priver. Il va de soi qu’il ne faut pas rechercher dans ce type d’ association des certitudes absolues, mais les rapprochements établis sont suffisants pour ajouter une nouvelle corde solide à l’arc dont dispose la police scientifique.

Note

1. Établissement d’un signalement distinctif d’un individu avec notamment la prise de clichés photographiques de face, profil et de 3/4 gauche.

Sébastien Aguilar : Technicien en chef de police technique et scientifique à la Direction régionale de la police judiciaire de Paris, MSc Sciences criminelles de l’École des Sciences criminelles de l’Université de Lausanne.

Christophe Champod : Professeur ordinaire en sciences forensiques et Directeur de l’Ecole des sciences criminelles de la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique de l’Université de Lausanne.

Lectures complémentaires

1. Sébastien AGUILAR, Benoit DE MAILLARD, Police Scientifique : Les experts au coeur de la scène de crime. Hachette, éd. 2017, pp. 119-125.

2. Christophe Champod, Ian W. Evett, Benoît Kuchler, « Earmark as evidence : a critical re- view », Journal of Forensic Sciences , Vol. 46, No 6, 2001, pp. 1275-1284

3. Stéphane Junod, Julien Pasquier, Christophe Champod, « The development of an auto- matic recognition system for earmark and earprint comparisons ». Forensic Science International, 2012, Vol. 222, Issues 1–3, pp.170-178

4. C. Van der Lugt, Earprint Identification. El- sevier Bedrijfsinformatie, Gravenhage, 2001, 318 p.

5. Joëlle Vuille, « Traces d’oreille et preuve à charge : le Tribunal fédéral n’est pas sourd aux droits de la défense ». Forumpoenale. Vol. 6, 2014, pp. 347-350.

6. Lynn Meijerman, Andrew Thean, George J. R. Maat, « Earprints in Forensic Investigations », Forensic Science, Medicine and Pathology, 2005, Vol. 1, Issue 4, pp. 247-256.

Article publié dans REVUE EXPERTS n°145 – Aout 2019

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